Les pollinisateurs sauvages, brasseurs de fleurs toutes catégories

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 27 mars 2024   400

Plus ou moins poilus ou mobiles, les insectes n’assurent pas le même le brassage génétique végétal.

Pourquoi s’intéresser aux insectes pollinisateurs sauvages ?

Ils demeurent très méconnus comparés aux abeilles de nos ruches. Pourtant, leur service de pollinisation, c’est-à-dire le transport de pollen permettant la reproduction des végétaux, est extrêmement important. Alors que ces pollinisateurs subissent de plein fouet un déclin, les scientifiques cherchent à mieux comprendre leur rôle si essentiel à tout écosystème terrestre et à nos cultures. Je me suis pour ma part penchée sur la façon dont ils participent aux échanges de gènes entre bleuets, le brassage génétique étant crucial aux plantes pour résister aux perturbations : températures extrêmes, sécheresses, maladies… Le Bleuet est une adventice* emblématique, considérée comme une « mauvaise herbe » par les agriculteurs, mais très intéressante pour les pollinisateurs. C’est une source stable de nectar quand les champs cultivés ne sont pas en fleur, la période de floraison du colza étant par exemple très brève.

Comment avez-vous évalué le rôle des pollinisateurs sur le Bleuet ?

Au sein de la ferme expérimentale de l’INRAE* à Bretenière en Côte-d’Or, désormais entièrement agroécologique*, j’ai étudié des bandes enherbées et des bandes fleuries semées en bordure de champs. Des pieds de bleuets y ont été transplantés puis la fréquence et la nature de leurs visiteurs ont été observées. Par la suite, les graines de ces bleuets ont été récoltées et mises à germer en laboratoire. Les gènes de ces descendants ont été analysés pour estimer le nombre de pères (donneurs de pollen) par lignée. Parmi les pollinisateurs, j’ai distingué plusieurs « groupes fonctionnels » pour rassembler dans un même ensemble divers insectes avec un profil morphologique, comportemental et écologique proche, et ayant donc probablement un rôle semblable en termes de pollinisation.

Les groupes fonctionnels ont-ils tous la même importance dans l’échange des gènes ?

Il semble que trois d’entre eux soient prépondérants pour les bleuets. Les bourdons mâles, assez massifs et libres car ne nourrissant pas de larves, paraissent avoir une efficacité individuelle significative pour l’apport de pollen de différents donneurs. Les syrphes* et les abeilles sauvages femelles de taille moyenne ont également l’air de fortement favoriser les flux de gènes variés. Le premier groupe est libre, ses larves étant entre autres carnivores donc ne nécessitant pas d’être nourries. En revanche, il est peu poilu, ce qui empêche le transport d’une grande quantité de pollen. Le deuxième groupe est capable de transporter plus de pollen individuellement, mais il en utilise une partie pour ses larves et sa surface de butinage est réduite. L’efficacité de ces deux groupes repose plutôt sur l’abondance des individus qui multiplie les contributions.

Audrey LABONTÉ, Enseignante-chercheuse à l’Institut Agro Dijon, Université de Bourgogne

Il est complexe d’interpréter les résultats des recherches sur les pollinisateurs. Les bleuets comportant beaucoup de fleurs attirent davantage les abeilles sauvages femelles de taille moyenne, qui ont tendance à s’y attarder au lieu de visiter d’autres plants. Mais l’effet est compensé par l’attractivité individuelle élevée qui permet un cumul de visites. Les bourdons mâles peuvent quant à eux se détourner des bleuets du fait de la richesse floristique environnante, ce qui suggérerait une compétition entre espèces de fleurs. Cependant, cette diversité attire plus de bourdons, ce qui est du même coup facilitateur. De plus, si une espèce prend le dessus sur une autre, ce n’est que de manière temporaire. Bien des éléments restent à étudier, notamment l’incidence du paysage.

« Pour en savoir plus… »

Retrouvez plus d’informations sur les interactions plantes-pollinisateurs et le cas du bleuet dans le n°35 de la revue BFC NATURE. Rendez-vous également sur le site Internet de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) pour y télécharger un résumé du rapport d’évaluation sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire.

Mini-glossaire

Adventice : plante poussant dans les milieux cultivés sans avoir été semée.

Agroécologie : pratique agricole s’inspirant des écosystèmes pour bénéficier de leurs fonctionnalités, intégrant notamment haies, arbres, bandes fleuries…

INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

Syrphe : famille de mouches ressemblant à des guêpes.

Actualité de BFC Nature

Également dans le numéro n°35 de la revue BFC NATURE, découvrez les méthodes d’inventaires et la répartition géographique des 373 espèces de syrphes recensées Bourgogne Franche-Comté.