Les crossopes : discrètes musaraignes des tourbières du Morvan

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 janvier 2025   23

Avec leur petite taille et leurs mœurs partagées entre terrier, couvert végétal et eau, les musaraignes semi-aquatiques, dites aussi crossopes, passent facilement inaperçues.

Qui sont les deux crossopes présentes dans le Morvan ?

Sur les 6 espèces de musaraignes que compte le massif, 2 sont des crossopes : la Musaraigne de Miller et la Crossope aquatique. Toutes deux liées aux zones humides, elles sont nationalement protégées et considérées comme en danger sur la liste rouge des mammifères de Bourgogne. Mesurant moins de dix centimètres, avec un pelage gris noir dessus et généralement blanc sur le ventre, elles sont difficiles à différencier l’une de l’autre. La première affectionne tout spécialement les milieux tourbeux, tandis que la seconde est plutôt inféodée aux ruisseaux. C’est elle qui est représentée sur le logo de la Société d’histoire naturelle d’Autun-Observatoire de la faune de Bourgogne (SHNA-OFAB). Très bonne nageuse, elle possède une rangée de poils raides sur toute la longueur de la queue qui facilite son déplacement sous l’eau.

Les crossopes sont-elles bien implantées sur la Réserve naturelle régionale des Tourbières du Morvan ?

Jusqu’alors, le manque de données ne permettait pas d’avoir une vision de l’état de leurs populations ni de leur répartition. La RNR, gérée par le Parc naturel régional (PNR) du Morvan, a donc intégré dans son plan de gestion une action visant à mieux connaître les crossopes de son territoire. Pour détecter ces espèces qui passent particulièrement inaperçues, la SHNA-OFAB a été mandatée pour mener une campagne de piégeages non tuants en recourant à deux types de pièges. L’un permet une capture de l’animal. Il est relevé plusieurs fois par jour afin de libérer rapidement les individus. L’autre n’est pas pourvu d’une boîte de contention, mais d’une sorte de scotch collectant poils et crottes. Une analyse génétique en laboratoire est ensuite nécessaire pour déterminer l’espèce.

Quelles sont les conclusions de ces piégeages ?

Durant l’année 2022, plus de 400 pièges ont été disposés sur 3 des 12 entités composant la RNR, à des emplacements propices pour ces espèces. Un mélange de sardine et de viande a servi d’appât. Pour l’instant, la présence des crossopes a pu être confirmée sur l’étang de la Chevrée et dans les prairies de Montour et Vaucorniau, avec la capture de 4 individus. Le faible nombre tend à faire penser qu’elles y sont rares. Des analyses génétiques sont toujours en cours pour compléter ces résultats.

Daniel SIRUGUE, Conseiller scientifique au Parc naturel régional du Morvan et directeur de la SHNA-OFAB

Il est difficile d’évaluer quels paramètres sont optimaux pour les crossopes. Des préconisations de gestion sont néanmoins proposées dans l’espoir de les favoriser. Outre la préservation ou la restauration de la qualité de l’eau et des zones humides, il semblerait qu’un pâturage extensif, comme pratiqué par le PNR avec un troupeau de Highland cattle, leur serait profitable. Cela freine le développement des arbres sur les tourbières tout en maintenant une végétation par endroits assez dense. Les crossopes bénéficient ainsi d’un couvert facilitant leurs déplacements terrestres et riche en petits invertébrés et mollusques qui constituent une partie de leurs proies. Parmi les menaces, on peut craindre les effets néfastes du changement climatique pour ces espèces des milieux humides, ce qui demande une vigilance accrue quant à leur suivi.