Cigogne noire recherche forêt tranquille

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 janvier 2025   30

Fréquentant les bois contrairement à sa cousine plus connue, l’échassier parvient à prendre ses marques sur notre territoire sous réserve d’une certaine quiétude.

Pouvez-vous nous présenter la Cigogne noire ?

Elle est légèrement moins grande que la Cigogne blanche, avec un bec et des pattes très rouges, ainsi qu’un manteau noir qui couvre sa tête et tout son dos. C’est ainsi qu’on a pu la surnommer « Héron noir ». Les deux sexes sont semblables. Le nid de Cigogne noire est bien reconnaissable : installé sur de gros arbres, il est fait de branchages et forme une aire de près de 2 m de large. Jusqu’à 5 œufs y sont pondus. Comme la Cigogne blanche, mâles et femelles s’impliquent dans la couvaison. Les cigogneaux ne quittent le nid qu’au bout de 60 jours, une longue durée pour des oiseaux. L’espèce ne niche pas en ville, mais en forêt, à proximité de ruisseaux d’une eau de bonne qualité. Elle se nourrit de proies aquatiques : petits poissons comme le Chabot, grenouilles, mais aussi insectes. En dehors de la période de reproduction, elle hiverne principalement en Afrique.

La Cigogne noire est-elle répandue ?

En France, les premiers nids ont été découverts en 1973. On a alors parlé d’un retour, mais il s’agit plus probablement d’une colonisation depuis l’Europe de l’Est. Depuis, ses effectifs ont augmenté jusqu’à atteindre une centaine de couples aujourd’hui. La population est sûrement sous-estimée, car nous sommes loin de connaître tous les nids. Peut-être sont-ils en réalité 150… La tendance est quoi qu’il en soit encourageante, puisqu’on dénombre de plus en plus d’individus nicheurs d’année en année. La Cigogne noire occupe le grand quart nord-est de la France, dont la Bourgogne. Elle n’en reste pas moins beaucoup plus rare et plus discrète que la Cigogne blanche.

Comment est-elle implantée localement ?

Découverte en Côte-d’Or à partir de 1992, elle s’est progressivement établie sur toute la région bourguignonne, ainsi qu’en Haute-Saône et dans le Jura. Certains individus ont été équipés d’émetteurs satellitaires, ce qui permet d’appréhender leurs déplacements. Dans le Châtillonnais, on s’est ainsi aperçu qu’en 9 ans, un même oiseau a changé 7 fois de site de nid, pour choisir de nouveaux emplacements à environ 7 km les uns des autres, visitant auparavant les anciens sites dès son retour d’hivernage. À l’inverse, un autre individu de Côte-d’Or, suivi grâce un baguage, a occupé durant 10 ans le même nid.

Paul BROSSAULT, Expert Cigogne noire à la commission Espèce de l’Union internationale pour la conservation de la nature France, chargé de mission Cigogne noire à l’ONGE Forestiers du monde

La Cigogne noire est extrêmement farouche, avec une distance de fuite importante. La moindre perturbation peut provoquer un abandon du nid et un échec de reproduction. C’est pourquoi les travaux d’exploitation doivent être interrompus dans un rayon de quelques centaines de mètres autour du nid pendant 4 mois. Grâce à un travail de sensibilisation, parmi les 72 reproductions suivies en Côte-d’Or depuis 1992, aucun incident n’est à déplorer du fait des acteurs de la filière forestière. Un photographe a en revanche été l’auteur d’un dérangement, en infraction avec la loi. En cas de découverte d’un nid, il est nécessaire d’en avertir le propriétaire afin qu’il prenne des mesures pour adapter la gestion de sa parcelle. Au vu du cycle biologique, la protection de l’oiseau passe aussi par sa prise en compte sur le continent africain où il hiverne.