Au chevet des rivières avec la restauration fluviale

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 28 février 2025   34

Après des décennies d’atteintes en tous genres, les scientifiques cherchent des remèdes pour les cours d’eau.

De quoi souffrent les rivières ?

Elles connaissent une dégradation de la qualité de leurs eaux et des altérations physiques, ce qui induit une perte d’habitats pour la faune. Par exemple, les truites ont pour habitat de reproduction des rivières dont le fond est fait de graviers d’une certaine taille. En cas de modification du lit, ces poissons ne trouvent plus les conditions propices pour se reproduire. Pour d’autres espèces, ce sont les bras morts qui représentent une zone de reproduction, ou bien de nurserie, les alevins ayant des besoins distincts des adultes. Il faut en somme une diversité d’habitats pour une diversité d’espèces à différents stades.

En quoi consiste la restauration fluviale ?

C’est une sorte de réparation. Les scientifiques la développent en plusieurs étapes. D’abord, il s’agit d’évaluer l’état de santé de la rivière, un travail pluridisciplinaire qui s’effectue avec des géomorphologues, des écologues, des chimistes… Ensuite, la question est de savoir comment soigner en définissant quelles techniques sont les plus appropriées pour telle ou telle rivière. Enfin, il convient d’apprécier le succès de la restauration au travers d’indicateurs écologiques et socio-économiques : suivis des peuplements de poissons, de la végétation, ou encore de la géométrie fluviale. Ces suivis se poursuivent parfois durant plus de 10 ans, une durée nécessaire pour tenir compte de l’effet des crues.

La restauration fluviale est-elle répandue ?

Des investissements ont eu lieu à partir de la loi sur l’eau de 1964 en faveur de la qualité de l’eau. Mais dans les années 1980, on s’est aperçu que c’était insuffisant : il fallait aussi repenser la morphologie du lit et les conditions d’écoulement de la masse d’eau pour améliorer la qualité écologique des cours d’eau. Les actions de restauration se sont accélérées après la directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 instaurant une obligation d’atteinte de bonne qualité écologique des cours d’eau. L’ingénierie de la restauration est récente et certains sites expérimentaux sont riches d’enseignements. Ainsi, le programme RhônEco conduit depuis 25 ans a confirmé que la recréation de bras secondaires et le relèvement des débits réservés sur le Rhône ont permis une amélioration très significative de l’état écologique du fleuve.

Hervé PIEGAY, Directeur de recherche en géographie et fluvialiste, laboratoire Environnement Ville Société, École normale supérieure de Lyon

Intervenir sur une forêt alluviale, reméandrer une rivière… Les leviers
d’action sont multiples. Le diagnostic initial est primordial pour une
restauration réussie. Par exemple, réintroduire une fois des graviers
pour reconstituer un habitat de frayères n’est pas durable sur une
rivière très réactive où tout sera balayé après quelques crues. L’action
doit être répétée à intervalles réguliers pour reconstituer le flux
sédimentaire. Il est aussi indispensable d’avoir conscience qu’on peut
certes partiellement réparer a posteriori des rivières, mais qu’il faut s’inscrire dans une politique globale de préservation, de « care » en anglais. Pendant longtemps, nous n’avons pas pris soin des rivières, or mieux vaut prévenir que guérir : c’est beaucoup plus efficace et moins coûteux. Une attention doit aussi être portée sur le changement climatique, qui impacte les habitats avec des effets en cascade : thermie, qualité de l’eau, eutrophisation…