Atlas des écrevisses bourguignonnes : entre sursis et invasions

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 9 octobre 2024   190

Évaluer la présence de l’Écrevisse à pattes blanches et de ses concurrentes exotiques sur la région, telle est l’ambition des astacologues de Bourgogne unis depuis plus de 20 ans.

Pourquoi avoir publié un atlas sur les écrevisses de la région ?

C’est une sorte de bilan d’activité du Groupe Écrevisses Bourguignon qui s’est formé au début des années 2000 alors qu’émergeait le constat d’une disparition de l’Écrevisse à pattes blanches. Diverses structures ont souhaité conjuguer leurs efforts de prospection avec pour coordinateurs l’Office français de la biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté, le Parc naturel régional du Morvan et la Société d’Histoire Naturelle d’Autun-Observatoire de la Faune de Bourgogne. L’accumulation de plus de 20 ans de connaissances a donné lieu à un atlas. Mais l’ouvrage, qui s’intitule Les écrevisses de Bourgogne-Franche-Comté, ne se résume pas à une simple cartographie. Monographies de chacune des 7 espèces bourguignonnes, biologie, folklore, pêche… De nombreuses informations sont réunies sur plus de 200 pages.

Comment avez-vous conduit vos recherches ?

Notre démarche s’est centrée sur l’Écrevisse à pattes blanches, l’une des deux seules espèces autochtones présentes dans la région, avec l’Écrevisse à pattes rouges. Les pressions qu’elle subit sont multiples : rectification des cours d’eau, pollutions diffuses, enrésinement des bords des rivières, débardage de bois, sécheresse et réchauffement… Sans oublier les écrevisses envahissantes, dont le pouvoir invasif est énorme. Nous souhaitions savoir où l’Écrevisse à pattes blanches était encore implantée, en recensant dans le même temps les autres espèces. Hormis sur le Morvan, nous disposions de peu de données. La région a donc été balayée selon le protocole suivant : visite de la moitié de tous les cours d’eau à fort enjeu, et visite d’un tiers des autres cours d’eau.

Quels sont les résultats ?

2 867 cours d’eau bourguignons ont été prospectés et 1 643 populations d’écrevisses ont été répertoriées, toutes espèces confondues. Parmi elles, nous avons compté 354 populations d’Écrevisse à pattes blanches, pour beaucoup dans le massif du Morvan et le sud de la Saône-et-Loire. L’Écrevisse de Californie s’avère la principale concurrente de notre écrevisse autochtone, car elle occupe les mêmes habitats tout en ayant des capacités de reproduction et d’expansion supérieures. C’est toutefois l’Écrevisse américaine, une autre espèce classée exotique envahissante, qui est la plus représentée en Bourgogne.

Julien BOUCHARD, Chef de service connaissance à l’Office français de la biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté

L’atlas est paru en 2021, mais depuis, le travail se poursuit. En s’appuyant sur les résultats de nos premières prospections, nous cherchons maintenant à évaluer la dynamique des populations d’Écrevisse à pattes blanches, que nous redoutons préoccupante. Aussi, nous revisitons tous les cours d’eau où l’espèce était connue pour vérifier si oui ou non elle s’y trouve toujours. Alors qu’elle était autrefois présente partout, seuls demeurent quelques habitats refuges, dont les caractéristiques sont maintenant bien documentées sur la région. Les données récoltées par le Groupe Écrevisses Bourguignon aident aussi à la mise en place d’actions de préservation, comme l’installation de systèmes de franchissement permanents ou temporaires de petits cours d’eau, ou encore l’élaboration d’un protocole de pêches de sauvegarde avant travaux. Pour autant, l’avenir risque d’être sombre pour l’Écrevisse à pattes blanches.