Sécheresse et inconfort thermique, le changement climatique se fait ressentir

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 13 février 2023   1.2k

Biodiversité, rendements agricoles, élevage, pêche... rien n’est épargné par le changement climatique. Zoom sur deux effets en passe de devenir tristement familiers.

De quelle façon le changement climatique influe-t-il sur la sécheresse ?

Dans le cycle de l’eau, on peut distinguer l’eau bleue, qui alimente les réservoirs de surface que sont les cours d’eau et les nappes profondes, de l’eau verte, qui est utilisée par les végétaux. Tous ces stocks d’eau découlent des précipitations. La quantité de pluie tombant sur notre région n’ayant pour l’instant pas diminué, on pourrait penser que l’eau reste disponible dans les mêmes volumes, or la situation est tout autre. Le réchauffement des températures de surface entraîne une très forte augmentation de l’évapotranspiration des sols et des plantes, et cette eau n’est donc plus disponible en surface ou en sous-sol. Dans le Morvan par exemple, entre 1960 et aujourd’hui, la demande évaporative s’est accrue de 120 millimètres par an en moyenne. Dans le même temps, la pluie a annuellement augmenté de 60 millimètres en moyenne, et surtout en hiver. Le résultat conduit à un déficit hydrique : le sol n’a plus assez d’eau.

Toute la région est-elle concernée par le stress hydrique ?

Oui, mais pas de manière uniforme. Le Morvan l’est davantage du fait de son sol granitique imperméable qui rend les ressources en eaux souterraines limitées et la dépendance à la pluie d’autant plus importante. Cela explique les dépérissements de certains couverts forestiers, en particulier ceux composés d’épicéas, une essence qui trouve ici sa limite sud de répartition. Le manque d’eau affecte la physiologie des arbres et les rend plus vulnérables aux parasites. Un coléoptère mangeur de bois, le scolyte, fait actuellement des ravages en se propageant par vagues. C’est ainsi que sur le site classé du Mont-Beuvray, 40 hectares ont récemment fait l’objet d’une coupe rase pour récolter le bois avant qu’il ne soit attaqué. Ces événements illustrent à quel point le changement climatique entraîne des modifications extrêmement rapides de l’environnement, qui ne laissent pas le temps aux êtres vivants de s’adapter.

Pourquoi l’inconfort thermique est-il un enjeu de santé publique majeur du changement climatique ?

85 % des Français habitent en ville, là où se créent les îlots de chaleur urbains. Dans ces phénomènes nocturnes, la température est supérieure à celle des campagnes proportionnellement à la taille de l’agglomération, par exemple de l’ordre de + 5° C pour Dijon. Cela s’explique par l’inertie thermique des constructions, le béton restituant la nuit la chaleur emmagasinée en journée. Ils sont aussi le produit de l’imperméabilisation qui empêche l’évaporation des sols. La consommation d’énergie lors du passage de l’eau de l’état liquide à gazeux entraîne une baisse de température qui n’est plus possible. Le corps déjà soumis à un stress thermique le jour ne peut plus se reposer la nuit. Ce n’est pas un hasard si 95 % de la surmortalité de la canicule de 2003 a eu lieu en ville.


Le mot des experts

Thierry CASTEL, Enseignant-chercheur à l’Institut Agro Dijon et Benjamin POHL, Chercheur au CNRS, Laboratoire Biogéoscience

L’inconfort thermique peut vite basculer en danger thermique. La Bourgogne-Franche-Comté n’est pas la plus exposée, le problème est global et certaines régions sur Terre sont en train de devenir invivables. La chaleur couplée à une forte humidité de l’air forment un cocktail mortel pour l’être humain. Toutes ces réalités climatiques appellent des mesures drastiques, notamment sur la ressource en eau. Pour autant, il nous faut éviter les mésadaptations comme le développement de bassins de stockage qui ponctionnent les nappes et sont sujets à des déperditions par évaporation. La nécessaire transformation de notre agriculture va quant à elle de pair avec celle de diviser par 4 notre consommation de viande, émettrice de gaz à effet de serre et indirectement consommatrice de céréales pour l’élevage.


Pour en savoir plus

Le présent article prolonge une conférence qui s’est tenue dans le cadre de la semaine « Écologie environnement biodiversité » proposée nationalement par le CNRS. Découvrez aussi les résultats du projet de recherche-action HYCCARE Bourgogne (HYdrologie, Changement Climatique, Adaptation, Ressource en Eau) sur le site d’Alterre Bourgogne-Franche-Comté : https://www.alterrebourgognefranchecomte.org/actions-en-cours/projet-de-recherche-hyccare


Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE