Réintroduire de la lenteur, un paramètre crucial pour les enjeux de l’eau

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 30 mai 2024   370

Face aux sécheresses et aux inondations, comprendre le cycle de l’eau et son lien avec les écosystèmes met en évidence une solution clé : le retour à un ralentissement.

En quoi la rivière est-elle plus complexe que ce que l’on croit ?

Les cours d’eau sont des écosystèmes à part entière dotés d’une caractéristique : ils représentent un continuum, de la montagne jusqu’à la mer. Tout ce qui se produit en amont a un impact sur l’aval. Ce sont aussi des corridors écologiques empruntés par énormément d’espèces animales et végétales, par ailleurs fréquentés pour la ressource qu’ils offrent et comme lieux de reproduction. Généralement, une rivière est uniquement perçue par son lit mineur, où l’eau coule en permanence. Pourtant, elle ne se limite pas à cela : elle est aussi constituée d’un lit majeur, où l’eau court par moments. Du point de vue de l’écologue, l’endroit où l’eau « déborde » est encore la rivière. Ces lits ne sont pas figés dans le temps : ils se déplacent progressivement. Et en sous-sol, coule aussi de l’eau.

Pourquoi faut-il voir au-delà des rivières pour appréhender la question de l’eau ?

En s’évaporant des océans, l’eau portée par le vent sous forme de nuages amène de l’humidité aux continents en tombant en pluies. Elle s’évapore en partie ou alimente le grand cycle de l’eau en ruisselant vers la mer. En excluant les grands lacs, cette eau dite bleue, celle qui coule, n’équivaut qu’à une infime partie de l’eau à la surface des continents. Le reste correspond à de l’eau surnommée verte, celle stockée dans les plantes et les sols, en particulier les zones humides. Elle est au cœur d’un petit cycle de l’eau, qui repose sur l’évapotranspiration, notamment par les végétaux. L’eau verte est fondamentale, car elle génère de l’humidité dans l’air et correspond à 95 % du volume d’eau de surface. Dans le contexte de changement climatique où les pluies violentes et les sécheresses se multiplient, eau verte comme eau bleue doivent faire l’objet de toute notre attention.

À quoi se remarque la mauvaise santé des rivières et que révèle-t-elle ?

En milieux tempérés non perturbés, les crues et les assecs sont limités et l’eau reste plutôt claire, or on observe aujourd’hui l’inverse. L’eau arrive extrêmement vite à la rivière, déborde beaucoup en aval et est chargée en particules. Quand il ne pleut pas, les réserves d’eau verte sont restreintes. Cela s’explique par le fait que nous avons rectifié la trajectoire des rivières en effaçant leurs méandres et drainé les zones humides pour évacuer l’eau verte rapidement. Les sols imperméabilisés ou dépourvus de végétation provoquent des ruissellements qui emportent de la terre.

Daniel GILBERT, Professeur en écologie à l’Université de Franche-Comté, Unité de recherche Chrono-environnement

Dans les écosystèmes, tout est fait pour que l’eau demeure le plus longtemps possible, car l’eau, c’est la vie. Il nous faut agir de toute urgence pour rétablir ces conditions afin d’éviter des situations catastrophiques. L’INRAE* et la Cour des comptes alertent sur le fait qu’il risque d’y avoir un tiers de bovins français en moins d’ici 2050 à cause du manque de fourrage. Il est nécessaire de réduire les labours et la mise à nu des sols et de leur apporter de la matière organique, essentielle dans leur rôle d’éponge. Tout doit être entrepris pour conserver l’eau sur place et ralentir son écoulement, à l’opposé d’une accélération du drainage qui aggravera la situation. Le massif du Jura est pionnier dans la restauration des zones humides et le reméandrage des cours d’eau. Les évolutions viendront d’actions locales menées en concertation avec les scientifiques, dans une logique de recherche-action.

Mini-glossaire

INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.