Le squelette du Muséum d’Auxerre, un ours des cavernes pas comme les autres
Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 3 janvier 2025 25
Si certains croyaient bien connaître l’ours des cavernes icaunais, des informations inédites sont récemment venues enrichir son histoire.
Qu’est-ce qui fait la rareté du squelette d’ours des cavernes du Muséum d’Auxerre ?
Ayant été assemblé entre 1859 et 1869, il fait partie des 10 premiers, voire des 5 premiers squelettes d’ours des cavernes à avoir été reconstitué dans le monde. À la même époque, seuls quelques gros musées comme Toulouse et Genève se livrent au même exercice. De plus, jusqu’à sa restauration achevée en 2021, le spécimen d’Auxerre n’avait jamais été démonté, ce qui en fait un précieux témoin des techniques employées au 19e siècle. Enfin, il est habituel de recourir à plusieurs individus pour reconstituer un tel squelette, mais avec des os provenant généralement de plusieurs sites. Or tous les os composant ce spécimen sont issus d’une seule grotte, celle des Fées à Arcy-sur-Cure.
Comment a-t-il rejoint les collections du Muséum ?
L’assemblage de cet ours a été fait spécialement pour l’établissement, jadis dénommé Musée départemental et géré par des bénévoles de la Société des sciences passionnés par l’Histoire naturelle. Nous savons qu’un médecin et un pharmacien se sont principalement investis dans ce travail. Il s’agissait de véritables précurseurs puisque les notions de temps géologiques et d’espèces éteintes émergeaient tout juste. On peut dire qu’ils étaient à la pointe, malgré leurs modestes moyens ! On ignore d’ailleurs comment ils s’y sont pris pour accomplir cette reconstitution. Ont-ils vu l’ours de Genève ? Ont-ils correspondu avec le Muséum de Paris ?...
Comment la restauration a-t-elle été conduite ?
À mi-chemin entre le squelette et le fossile, le subfossile était très fragilisé et demandait une intervention, mais nous avons veillé à sauvegarder ses particularités. De petites rondelles en feutre de laine, comme celles que l’on trouve dans les pianos, remplacent par exemple les disques intervertébraux. La courbure de la colonne vertébrale n’est pas très naturelle. Les os des jambes n’ont pas tout à fait la même longueur d’une patte à l’autre. Les dents et les griffes manquantes n’ont pas été remplacées par des fausses… Tous ces détails sont restés tels, car ils fournissent des renseignements sur les méthodes d’autrefois, comme nous l’expliquons aux visiteurs. Les modalités de restauration ont été collégialement validées en commission, en se conformant à l’impératif de réversibilité des interventions.
Sophie RAJAOFERA, Conservatrice du Muséum d’Auxerre
Il est émouvant d’observer combien le squelette d’ours des cavernes est un objet auquel les visiteurs sont attachés. Petits, ils sont venus l’admirer avec leurs grands-parents et ils reviennent avec leurs propres enfants. Du fait de son intérêt, mais aussi de son volume qui le rend difficile à stocker, il a presque toujours été exposé. Il a seulement traversé une petite période d’oubli au 20e siècle, entreposé dans les greniers de l’ancien commissariat de police. Dans un courrier des années 1960, le commissaire se plaint de trop fréquentes visites d’érudits venant étudier l’animal. Après sa déjà longue vie, sa consolidation était nécessaire. Elle a été cofinancée par la Région Bourgogne-Franche-Comté, la DRAC et la Ville d'Auxerre. Suite à 18 mois de restauration et à un passage sur monte-charge par une fenêtre, l’ours a repris sa place auprès du public avec un nouveau socle. Ce détour aura permis de découvrir ses singularités jusqu’alors ignorées