Le Rouge-queue à front blanc, un émissaire pour les oiseaux des villes
Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 12 décembre 2022 1.7k
Comme l’a révélé à certains le confinement, la ville s’avère un passionnant terrain d’observation de la vie sauvage. Cas pratique avec un petit oiseau en reconquête à Chalon-sur-Saône.
Qui est le Rougequeue à front blanc ?
C’est un passereau de la taille d’un rougegorge dont le signe distinctif est le front blanc remarquable chez le mâle. Très coloré, celui-ci a une poitrine rouille vif qui contraste avec le noir de sa gorge. Le reste de son plumage est gris. Il se différencie bien de son cousin le Rougequeue noir, plus fréquent, dont l’aspect général est uniformément gris-noir, et qui n’a de rouille que la queue et de blanc qu’une tache à l’aile. Les femelles des deux espèces sont plus ternes et moins faciles à identifier. Le Rougequeue à front blanc est un migrateur présent sous nos latitudes d’avril à septembre. Il passe l’hiver au Sahel, par-delà le Sahara. Il était très commun au début du siècle, on l’appelait le rossignol des murailles. Victime de la dégradation des paysages de nos campagnes et d’une moindre disponibilité en insectes, ses effectifs ont fondu de plus de 90 %. Ce n’est que depuis les années 1990 qu’il commence à se porter mieux. Sa survie dépend de beaucoup de paramètres, à la fois ici, mais aussi sur sa route migratoire et dans ses quartiers d’hiver. On le rencontre depuis peu en ville.
Comment est-il implanté à Chalon-sur-Saône ?
Le premier confinement m’a poussé à m’intéresser aux oiseaux de ma ville, en particulier au Rougequeue à front blanc, à sa fréquence et ses mœurs. Le calme de la période était idéal pour détecter les mâles chanteurs, à pied ou à vélo.
D’après mes comptages réalisés en 2020 et renouvelés en 2021, l’agglomération accueille une petite cinquantaine de couples. Comparé à d’autres chiffres récents pour des villes aux profils similaires, il s’agit d’une densité normale. Des villes plus urbanisées ont sans doute un score inférieur. L’espèce niche dans des cavités sans construire de nid. Dans le cas de Chalon, les cavités artificielles de type bouches d’aération ou anfractuosités de mur semblent investies à parts égales avec des trous naturels dans les arbres. Bien qu’ils ne nichent pas en colonies, les oiseaux se distribuent dans l’espace par noyaux de population. Rares sont les individus isolés. Certains quartiers comme celui des Aubépins sont nettement plus prisés.
Qu’est-ce qui détermine ses choix d’installation ?
Des cavités sont indispensables à ses nichées, si possible hors d’atteinte des prédateurs. Par ailleurs, c’est un oiseau lié aux grands arbres, qui lui servent de perchoirs de chasse et de refuges. Il lui faut aussi des pelouses à la fois avec des herbes hautes et des zones rases. Les premières lui assurent une richesse en insectes, les deuxièmes un territoire de chasse, ses affûts nécessitant une vue dégagée. La fauche tardive effectuée mi-mai après le confinement de 2020 lui a ainsi été très profitable. L’obligation de zéro pesticide dans les communes apporte aussi un vrai bénéfice.
Le mot de l’expert
Frédéric TILLIER, Ornithologue amateur membre de la LPO et de l’AOMSL
Le Rougequeue à front blanc compte parmi les plus splendides oiseaux de nos contrées. Il représente un bel ambassadeur de la nature en ville : ses exigences profitent à d’autres espèces et nous concernent aussi. Il requiert des arbres, nous en avons nous-mêmes besoin pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. Il recherche des espaces verts, nous aussi ! Laisser les grands arbres pousser le plus longtemps possible, garder par endroits des herbes hautes, placer des nichoirs dans des environnements favorables et en assurer l’entretien et le suivi... Dans tous les jardins particuliers et communaux, l’ensemble de nos pratiques de gestion devrait être pensé en prenant en considération un oiseau comme le Rougequeue à front blanc, pour notre bien commun.
Pour en savoir plus
Dans le n° 33 de la revue BFC NATURE, retrouvez un article complet sur l’étude menée par Frédéric TILLIER sur la population du Rougequeue à front blanc à Chalon-sur-Saône au printemps 2020.
Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE