Le gobie à tache noire, une espèce qui prend ses marques sur la Saône
Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 21 février 2023 1.6k
Pas assez exotiques pour figurer sur la liste française des Espèces Exotiques Envahissantes, les poissons à ventouse est-européens entament énergiquement leur périple en Bourgogne-Franche-Comté.
Quelle est l’implantation du Gobie à tache noire sur la région ?
Il est aujourd’hui présent de façon certaine sur 13 kilomètres sur la Saône, et possiblement sur 21 km si l’on prend en compte quelques individus isolés. Entre 2021 et 2022, le linéaire occupé a doublé. Comme les 3 autres espèces de gobies d’eau douce présentes en France, il est originaire de la région Ponto-caspienne*. L’expansion de son aire de répartition vers l’Europe de l’Ouest s’est faite progressivement par les fleuves depuis la fin des années 1990 via les bateaux. Mais sur notre région, l’arrivée ne semble pas avoir été « naturelle ». Nos investigations menées suite à la première détection de l’espèce en 2019 ont mis en évidence un point d’introduction aux environs de Cendrecourt. Son absence en amont dans des secteurs pourtant favorables suggère qu’elle aurait été introduite soit par un déversement de poissons, soit suite à son utilisation comme appât de pêche. Dans les deux cas, et même si c’est réalisé de manière involontaire par méconnaissance, ces pratiques sont illégales car seule une espèce déjà représentée en France pourrait en faire l’objet.
Pourquoi l’espèce a-t-elle de fortes capacités d’expansion ?
Le Gobie à tache noire peut consommer une grande variété de proies : micro-crustacés, écrevisses, mollusques, œufs de poisson, larves... Il est capable d’adapter son régime alimentaire en fonction des ressources disponibles. Même s’il semble avoir une préférence marquée pour les zones rocheuses avec un courant conséquent, il peut vivre dans tous types de milieux, quelles que soient la température, la teneur en oxygène ou la profondeur de l’eau. Par ailleurs, les femelles sont en mesure de se reproduire toutes les 3 à 4 semaines entre avril et septembre et le taux d’éclosion des œufs est élevé, de l’ordre de 95 %. Un succès en partie dû aux mâles qui protègent le couvain des prédateurs. Certains mâles adoptent une autre stratégie de reproduction en multipliant les partenaires. L’ensemble de ces caractéristiques rend l’espèce potentiellement très invasive.
Des solutions existent-elles pour freiner la colonisation ?
Il est rare de parvenir à localiser le point d’introduction d’une espèce invasive aquatique. Généralement, les implantations sont trop avancées et les tentatives d’enrayement trop tardives. L’occasion offerte avec le Gobie à tache noire sur la région donne lieu à une collaboration entre l’OFB et des chercheurs des universités de Dijon, Lyon et Saint-Étienne, afin de croiser les compétences pour mieux comprendre l’espèce et sa colonisation. Des tests de captures sont notamment réalisés par pièges acoustiques. Les gobies émettant des sons au moment de la reproduction, il s’agit de répliquer ces vibrations à l’aide d’enceintes subaquatiques.
Le mot de l'expert
Julien BOUCHARD, Chef du service connaissance à l’Office Français de la Biodiversité (OFB) Bourgogne-Franche-Comté
Le Gobie à tache noire ressemble au Chabot, mais le profil de sa tête est tombant. Pouvant atteindre une vingtaine de centimètres, d’une coloration brun-gris marbrée, il est surtout reconnaissable à sa tache noire à la base de sa première nageoire dorsale. Il possède une particularité commune à tous les gobies : les nageoires qui sont situées en amont de son ventre sont soudées en une ventouse. Plus petit de 10 cm, le Gobie demi-lune est quant à lui décoré de bandes sombres et il porte des protubérances nasales semblables à 2 petites antennes au-dessus des lèvres. Il a été découvert sur la région en octobre 2021 sur le Doubs à Colombier-Fontaine. Entre mai et octobre 2022, on a pu constater une progression de 11 km, bien que son front de colonisation reste à affiner.
Pour en savoir plus
Dans le n° 34 de la revue BFC NATURE, 2 articles vous livrent tous les détails sur l’expansion du Gobie à tache noire et du Gobie demi-lune sur la région.
Mini glossaire
Région Ponto-caspienne : Mer Noire, Mer d’Azov et Mer Caspienne.
Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE