Point d’étape sur le bouleversement en cours et la forme qu’il revêt.

Quel portrait dresser du changement climatique aujourd’hui ?

Le premier marqueur est l’augmentation de la température sur la surface de la Terre. Depuis l’ère préindustrielle (vers 1850), on évoque un accroissement de l’ordre de + 1,1 °C à l’échelle globale. Localement, la hausse se révèle en certains endroits bien supérieure, en particulier sur les continents, car les terres se réchauffent plus vite que les mers et océans. En Bourgogne-Franche-Comté, la hausse s’élève ainsi à près de + 2 °C. Cet indicateur du changement en cache bien d’autres, directs ou indirects : augmentation de l’humidité de l’air multipliant les précipitations extrêmes, modification de cycles comme celui de l’eau, de la végétation... Les signaux sont variables selon les zones et requièrent un grand nombre de mesures scientifiques sur des dizaines d’années pour être interprétés de façon fiable. Dans nos régions, les étés seront de plus en plus secs, comme cet été 2022 qui préfigure l’été du futur. Les hivers seront moins froids et plus humides.

L’évolution va-t-elle se poursuivre de manière linéaire ?

Non, et ce n’est d’ores et déjà pas le cas. Quand on regarde les courbes et tableaux produits par le GIEC*, cela peut donner l’impression d’une évolution lisse. En fait, lorsqu’on travaille à l’échelle régionale, on se rend compte d’une particularité : la courbe du réchauffement ressemble à une suite de marches d’escalier. En Europe de l’Ouest et donc en Bourgogne-Franche-Comté, on observe ainsi une augmentation abrupte de + 1 °C au tournant des années 1987-1988. Cela s’explique par une superposition de phénomènes naturels complexes qui par un effet de seuil font basculer dans un autre régime. Depuis les années 1960, nous avons ainsi connu deux climats différents en termes de températures. Nous avons peut-être franchi un autre pallier entre 2014 et 2016, mais nous n’avons pas encore assez de recul pour le confirmer. Quant au cumul des précipitations, il semble demeurer stable voire en légère augmentation en Bourgogne-Franche-Comté, mais avec une répartition temporelle différente engendrant ces étés secs et ces hivers humides.

Quelle suite envisager ?

Un tournant sociétal dans les années 2000 pour réduire nos émissions des gaz à effet de serre responsables du changement climatique aurait permis d’échapper à un dépassement supérieur à + 2 °C, mais nous ne l’avons pas amorcé. Une révolution dans nos pratiques et une sobriété dans nos usages de l’énergie sont plus que jamais indispensables et ce n’est pas la géoingénierie* qui nous sauvera. Nos stratégies d’adaptation doivent impérativement intégrer l’existence de sauts, de ruptures abruptes dans le climat local : la situation peut être complètement chamboulée en seulement quelques années.

Le mot des experts

• Thierry CASTEL, Enseignant-chercheur à l’Institut Agro Dijon et Benjamin POHL, Chercheur au CNRS, Laboratoire Biogéosciences

L’épidémie de Covid-19 a fait fortement émerger la problématique de la liberté individuelle par opposition à l’intérêt général. La polémique sur les jets privés soulève, comme bien d’autres exemples, une question : en matière de « civisme climatique », doit-on se contenter d’exigence morale ou des mesures réglementaires sont-elles nécessaires ? Le temps du doute sur la réalité du changement climatique est fini, les faits scientifiques sont formels. Nous avons tardé à passer le cap de l’acceptation. Nous sommes de nouveau en train de tarder pour passer un autre cap, celui de la réaction. Des actions très fortes doivent immédiatement être engagées, car nous sommes en train de perdre une course contre la montre qui pourrait bien nous mener à une situation catastrophique.

Pour en savoir plus

Le présent article prolonge une conférence qui s’est tenue dans le cadre de la semaine « Écologie environnement biodiversité » proposée nationalement par le CNRS. Découvrez aussi l’ouvrage Éthique des changements climatiques de James Garvey paru aux éditions Yago en 2010.

Mini glossaire

Géoingénierie : ensemble des techniques visant à modifier le climat.

GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE