La Loire, un défilé d’oiseaux de la source à l’océan

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 janvier 2025   49

Tout au long des 1 000 km d’eau qui s’écoulent de l’Ardèche à l’Atlantique en passant par la Bourgogne, les oiseaux se succèdent mais ne se ressemblent pas.

Quelle démarche a contribué à mieux connaître les oiseaux nicheurs du val de Loire ?

Un recensement a démarré en 1989, à l’époque où le fleuve était menacé par des projets de barrages. Le Ministère de l’Environnement souhaitait dresser un état zéro avant construction. Nous avons entrepris de décrire le peuplement ornithologique particulièrement varié du val en recourant à la méthode standardisée des Indices Ponctuels d’Abondance. Cet outil garantit un suivi constant et rigoureux tout en facilitant les comparaisons. Il s’agit de compter durant 20 minutes, à deux reprises lors de la période de reproduction, tous les oiseaux contactés depuis un point d’écoute. En une seule matinée, de bonne heure, moment idéal pour se prêter à l’exercice, plus de 30 espèces différentes pouvaient être observées ou entendues. Au total, plus de 170 espèces ont été dénombrées, soit la moitié des espèces nicheuses de France ! Le recensement a été conduit 4 fois jusqu’en 2011, tous les 6 ans, avec 198 points d’écoute répartis sur la Loire tous les 5 km, de la source, située à 1 400 m d’altitude, jusqu’à l’océan.

Comment se répartissent les oiseaux ?

L’amplitude d’habitat est variable selon les espèces. Le Canard colvert ou le Héron cendré font partie des rares à s’accommoder à toutes les structures, d’un bout à l’autre du fleuve. D’autres, plus spécialistes, ne se rencontrent que sur quelques kilomètres. Pour beaucoup, nous avons constaté une succession longitudinale : leur distribution change au fil du cours d’eau, en fonction des variations altitudinales, fluviales et paysagères. Certaines espèces préfèrent l’altitude, d’autres sont très sensibles au courant, d’autres sont liées à des milieux alentour comme les bras morts… Nous avons aussi recensé les oiseaux « terrestres », qui dépendent d’autres facteurs, comme le taux de boisement ou l’agriculture.

Peut-on établir un lien entre oiseaux et poissons ?

La distribution des oiseaux d’eau apparaît effectivement corrélée à celle des poissons, si l’on se réfère aux zones piscicoles déjà décrites par le passé. Ainsi, la zone à Truite, tout en amont, correspond à celle du Cincle plongeur. La zone à Ombre concorde avec celle du Chevalier guignette, celle à Barbeau avec celle des Sternes… Bien qu’il n’y ait pas de rapport direct entre oiseaux et poissons, les caractéristiques du fleuve répondent pareillement à leurs exigences d’habitats.

Bernard FROCHOT, Ancien professeur d’écologie, ornithologue, président d’honneur de Bourgogne-Franche-Comté Nature

Ce recensement constitue un cas d’école sur la succession d’espèces le long d’un fleuve. Pour la recherche écologique, les oiseaux représentent un très bon indicateur à l’échelle du paysage. L’analyse globale des peuplements d’oiseaux reflète précisément la Loire, les communautés traduisant une certaine qualité d’habitats. Quatre grands secteurs se dégagent : après la haute montagne sur 80 km, on passe sur près de 100 km à une zone de collines au courant rapide. Puis l’on parvient sur une immense zone de plaine sur 780 km, entre Roanne et Nantes. Enfin, les derniers 70 km sont influencés par l’estuaire et son cortège d’oiseaux marins. En 25 ans, les activités humaines et le changement climatique ont entraîné une transformation de l’avifaune. Le Guêpier d’Europe, thermophile*, a connu une progression spectaculaire, tandis que le Bouvreuil pivoine, montagnard et nordique, a régressé.