La Basse vallée du Doubs et ses oiseaux, une trajectoire en demi-teinte

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 janvier 2025   20

Après une période mouvementée, le suivi au long cours des populations d’oiseaux en Basse vallée du Doubs fournit un indicateur révélateur de l’état de santé des milieux.

Quelles sont les particularités de la Basse vallée du Doubs ?

Dans le département de Saône-et-Loire, le Doubs a un tempérament encore bien marqué par la montagne jurassienne voisine, la rivière étant habituellement alimentée par la fonte des neiges. Sur une quarantaine de kilomètres, la Basse vallée a longtemps conservé un caractère relativement sauvage. Issue de sa dynamique naturelle, sa physionomie faite de berges abruptes et de bancs de sable est propice à nombre d’oiseaux. Mais à partir du milieu du 20e siècle, des déversements de rocs pour canaliser la rivière et des prélèvements de sable de plus en plus intensifs ont mis en péril sa biodiversité. Dans les années 1990, un travail de protection s’est conclu par un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB) qui a mis un terme à ces atteintes. Même si la vallée reste profondément transformée, cela a freiné la dégradation de ses richesses.

Comment le suivi des oiseaux participe à l’évaluation de la restauration des milieux ?

Après ces fortes perturbations, un comptage a été mis en place par le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne selon la méthode des Indices Ponctuels d’Abondance* durant 30 ans. Cette période remarquablement longue a permis, à travers le suivi de l’état des populations de l’avifaune, de décrire aussi l’évolution des milieux naturels dont les espèces dépendent. Il apparaît que le lit mineur* s’est en partie restauré, avec l’arrivée d’espèces comme le Harle bièvre. Les beaux dépôts de sable créent des grèves propices au Petit gravelot. Colonisées par des herbacées, ces grèves profitent à l’Œdicnème criard. Les saulaies ont aussi connu une évolution positive, avec le maintien de la Tourterelle des bois, pourtant en déclin partout en Europe.

Quels milieux ont connu un sort moins favorable ?

Les progrès sur le lit majeur* restent insuffisants. Et dans les zones agricoles, si le bocage et sa Pie-grièche écorcheur se sont maintenus, les annexes humides ont en revanche disparu, asséchées du fait de l’enfoncement de la rivière. Les oiseaux liés aux roselières comme le Bruant des oiseaux et la Rousserolle effarvatte ont subi une complète régression. Et le Râle des genêts, qui apprécie les prairies où il peut avoir les pieds dans l’eau et qui fréquentait le secteur par le passé, n’a jamais été retrouvé.

Régis DESBROSSES, Naturaliste et secrétaire général du Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne

La nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées fixe comme objectif une protection forte de 10 % du territoire français d’ici 2030. L’Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope constitue l’un des outils réglementaires pour y parvenir. Celui de la Basse vallée du Doubs est tout particulièrement intéressant, parce qu’il concerne l’ensemble du système des lits majeur et mineur de la rivière. Une rivière comme la Loire ne dispose pas d’un APPB comparable, seuls des îlots isolés y sont protégés. Les 30 ans de suivi de l’avifaune fournissent une somme de connaissances précieuse pour optimiser les mesures de protection. Au début des années 2000, le Conservatoire d’espaces naturels de Bourgogne a entrepris la réouverture de quelques bras morts, autrefois nombreux. L’opération s’est cependant avérée insuffisante pour qu’ait lieu une réinstallation des oiseaux des prairies humides et des roselières.