Entre Doubs et Loue, histoire d’une confluence réconciliée

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 janvier 2025   36

Après avoir été artificialisée à l’excès, la jonction des deux cours d’eau francs-comtois renoue avec sa naturalité.

À quelle problématique a été confrontée la confluence du Doubs et de la Loue ?

Dans les années 1960, elle a été aménagée dans une optique de limitation des crues et d’extension des surfaces agricoles. Suppression des méandres, enrochement des berges et endiguement ont lourdement impacté la dynamique des rivières, qui se sont retrouvées corsetées. Cela a conduit à une accélération de l’eau, donc à une augmentation de l’énergie libérée, au détriment du lit des rivières qui s’est rapidement enfoncé d’1 à 2 mètres, tout comme leur nappe d’accompagnement. Il en a résulté une plus importante difficulté d’accès à la ressource en eau sans que la question des inondations soit pour autant totalement réglée. Au début des années 2000, un projet d’ampleur a vu le jour avec pour objectifs la restauration de la dynamique alluviale et l’amélioration de la sécurité des populations.

Comment s’est déroulée cette restauration ?

Il a fallu un moment pour que la population s’approprie le projet. Localement, les craintes étaient grandes : on redoutait plus de crues. La sensibilisation de chacun, notamment en s’appuyant sur une maquette, à permis de faire comprendre combien une réduction des aménagements aurait l’effet inverse. 10 ans de concertation ont été nécessaires avant une mise en œuvre en 2017-2018 avec désenrochement de près d’1 km de berges, démantèlement d’une partie de digue reconvertie en prairie et création d’un banc de graviers de 21 000 m3.

Avec quels résultats concrets ?

La largeur de la confluence a été multipliée par 10. Le chenal étroit a disparu tandis qu’un système de tresses s’est rétabli. Une grande crue survenue en 2018 a immédiatement prouvé l’efficacité de la démarche. Autrefois, l’eau du chenal montait d’1 m en une seule nuit. Désormais, la Loue peut s’épancher sur toute la Réserve naturelle nationale de l’Île du Girard, devenue zone de dissipation de crues. La forêt alluviale joue un rôle épuratoire sur l’eau qui s’écoule plus lentement. Les oiseaux ont aussi répondu au changement de milieu. Des espèces nicheuses ont colonisé les berges dès la première année. L’Hirondelle de rivage, une nouvelle venue, s’est d’abord installée avec 20 couples et se compte à présent par centaines. La Nature a fait son travail, effaçant les traces des aménagements passés. Le paysage, méconnaissable, est beaucoup plus beau. Une vraie confluence Doubs Loue est de retour !

Frédéric TOPIN, Conservateur de la RNN de l’Île du Girard

Pour se lancer dans une telle restauration, il faut avoir à l’esprit que le phénomène d’inondation est un sujet sensible traumatisant et que les aspects techniques sont particulièrement complexes. Il est donc doublement impératif de prendre du temps. À l’issue des travaux, divers suivis ont été mis en place pour mesurer leurs conséquences sur le long terme : suivi bathymétrique de la profondeur du lit de la rivière tous les 5 ans, suivi des bras morts… 800 m de digue subsistent, dont l’enlèvement est inscrit dans le plan de gestion 2022-2031 de la Réserve naturelle nationale de l’Île du Girard, qui englobe la confluence. Les élus locaux sont satisfaits du projet et le valorisent. Beaucoup d’acteurs comme les Agences de l’eau viennent visiter le site en vue d’exporter les solutions. Ces résultats sont prometteurs quand on sait que la plupart des rivières françaises sont très endiguées et que peu d’exemples probants existent.