Ce que nous disent les poissons du Doubs

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 11 avril 2025   27

La diversité piscicole de l’emblématique rivière franc-comtoise encourage à agir aujourd’hui pour sa protection.

Quelle vision a-t-on de la diversité des poissons du Doubs ?

50 ans après un premier inventaire dressé par le professeur Jean Verneaux, nous avons cherché à mettre en avant l’évolution de cette biodiversité. Force est de constater une forme de résilience. Sur les 24 espèces indigènes initialement dénombrées, 23 sont encore présentes : Apron du Rhône, Brochet, Chabot, Gardon, Goujon, Lamproie de Planer, Truite fario, Vandoise… Il apparaît que les potentiels écologiques demeurent quasi intacts, à l’inverse d’autres bassins-versants où les disparitions d’espèces sont parfois nombreuses. Toutefois, la biomasse, c’est-à-dire la quantité de poissons, a certainement diminué dans le Doubs. Un suivi doit être mis en place pour le confirmer et le quantifier. Il serait aussi intéressant d’établir des relations entre espèces et paramètres du milieu.

Quelles sont les différences avec le relevé antérieur ?

Une unique espèce a disparu, la Lote. C’est un signe de perturbation de la morphologie de la rivière. L’espèce est liée aux espaces de dissipation de crues, qui lui servent de frayères. L’accent doit être mis sur un rétablissement de ces annexes fluviales. Parallèlement, on note 15 espèces exotiques, soit 5 de plus qu’auparavant : Carassin, Épinoche, Silure glane… Cette tendance à l’augmentation est un indice de dégradation de la rivière. Lorsque des espèces invasives parviennent à s’installer dans un milieu, c’est qu’il n’est pas en bon état.

Que retenir globalement de ces résultats ?

Malgré les préjudices qu’a pu subir la rivière, nos résultats sont porteurs d’espoir : ils montrent qu’il n’est pas trop tard pour agir. Souvent, les milieux aquatiques sont si dégradés qu’on ne peut plus rien faire pour revenir en arrière. À nous de mettre maintenant les moyens pour restaurer et conserver cet hydrosystème avant d’en arriver là. Ce n’est pas au moment où il reste seulement deux Aprons qu’il convient de démarrer, mais bien au début, lorsque les effets de la dégradation sont restreints !

portrait Périat Guy
Guy PÉRIAT, Diplômé en écologie de l’Université de Neuchâtel, spécialiste en restauration des milieux aquatiques

Il ne faut pas oublier que les poissons sont les organismes intégrateurs par excellence des milieux aquatiques : en bout de chaîne alimentaire, ils constituent de bons indicateurs de l’état de ces milieux. Nous buvons la même eau qu’eux. Défendre les poissons, c’est préserver notre eau potable. Avec l’appui des Agences de l’eau, nous disposons des outils administratifs pour agir afin d’engager des travaux de restauration. La nouvelle réglementation va dans le bon sens, avec notamment le décret de 2015 qui limite l’impact des barrages. En revanche, il manque fréquemment une volonté locale pour sauvegarder durablement les rivières. Le cas de la vallée du Drugeon dans le Haut-Doubs est un exemple à suivre. La récente attribution de la compétence GEMAPI* aux intercommunalités apporte les moyens financiers nécessaires. Il manque par contre une plus grande maîtrise foncière, car certains propriétaires qui refusent des interventions peuvent bloquer des projets.