Un microsystème 3D actionné par la lumière

Publié par Journal en direct, le 28 novembre 2022   580

Ils sont passés maîtres dans l’art de l’origami, avec la silice pour matériau de prédilection. Grâce à cette méthode pour le moins originale dans le monde des microtechniques, les chercheurs de l’Institut FEMTO-ST sont des pionniers pour la réalisation de structures de taille micrométrique 3­D actionnables. Chacune de leurs créations au Centre de micro- et nanorobotique (CMNR) est une prouesse technologique amplement relayée au sein de la communauté scientifique ; la dernière en date est une micropince qu’il est possible d’actionner optothermiquement, elle a valu un micron d’or à ses inventeurs lors du salon Micronora qui s’est tenu à Besançon en septembre dernier.

Un micron d’or pour une micropince

Le dispositif est composé d’une structure poly-articulée, réalisée par origami d’une membrane de silice de 900 nanomètres, sur laquelle un bilame aluminium / silice est soudé ; le tout est placé au bout d’une fibre optique étirée plus fine qu’un cheveu. Chauffée par la lumière de la fibre optique, la couche d’aluminium se dilate et déforme le bilame, qui à son tour actionne la structure de silice articulée, l’ensemble formant une pince qui fonctionne selon la puissance de la lumière, saisit ou relâche un objet. « Le dispositif bénéficie de deux innovations, d’une part utiliser la lumière pour assurer l’actionnement de la structure, d’autre part employer la silice, qui est une céramique, pour réaliser des charnières souples et élastiques. Ces innovations permettent d’envisager la construction de structures robotiques plus complexes, à deux ou trois degrés de liberté », explique Jean-Yves Rauch, ingénieur de recherche au département AS2M de l’Institut FEMTO-ST. « C’est une déclinaison optique de la première micropince réalisée l’an dernier1. Dans le cas de la structure primée à Micronora, l’actionnement est opto-thermomécanique, il était électro-thermomécanique dans le cas de l’autre pince. »

Deux approches technologiques différentes, au service des premiers microsystèmes 3­D actionnables jamais mis au point. Chacune concerne des applications particulières dans le monde du très petit. Parce que la fibre optique joue le double rôle d’actionneur et de support, la micropince optique fait preuve d’une grande dextérité et d’une finesse qui lui permettront de se glisser partout, pour manipuler des composants optiques et électroniques miniaturisés, des nanotubes de carbone en vue d’étudier la flexoélectricité…

« Ces dispositifs sont de dimensions dix à cent fois inférieures à ceux qui ont actuellement cours dans l’industrie, et de nombreuses étapes seront encore nécessaires pour passer du laboratoire à la maturité industrielle.Mais leur conception contribue à ouvrir la voie aux technologies de demain dans les domaines de la nanoélectronique et de la nanophotonique, car miniaturiser toujours plus les systèmes, afin de réduire leur consommation énergétique, reste un enjeu majeur pour l’avenir », souligne Jean-Yves Rauch, qui a signé la conception et la réalisation de la micropince optique aux côtés de Yuning Lei, Cédric Clévy et Philippe Lutz, disparu subitement au printemps dernier.

Afin que le public puisse visualiser la structure de la micropince, invisible à l’œil nu puisqu’elle ne mesure que trente micromètres, soit trente millièmes de millimètres, la maquette présentée au salon Micronora est une reproduction grossissant mille fois le dispositif réel. L’équivalent du rapport entre une feuille A4 et la tour Eiffel…

Ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue de référence Advanced Matérials, article crédité d’un facteur d’impact de 30.8 en 2021 et réévalué à 32.4 cette année.