Retour en mots et en images sur le 2ème Forum Régional de la CSTI
Publié par Emmanuel Galliot, le 16 décembre 2020 2.2k
La médiation se réinvente…
Le 8 décembre 2020 ce sont plus de 130 acteurs de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) qui se sont réunis à distance pour partager leurs interrogations sur la médiation en temps de crise(s) et les adaptations de leurs pratiques professionnelles.
Cette 2ème édition du forum régional était organisée sous forme de rassemblement virtuel par la Région Bourgogne-Franche-Comté, l'OCIM et le Pavillon des Sciences. Comme l'a précisé dans ses propos introductifs Maude Clavequin, vice-présidente en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'université de la Région, ce forum tenait à valoriser les pratiques et renforcer le réseau d’acteurs.
Vous pouvez retrouver ci-dessous en intégralité la vidéo de la table ronde du forum :
La crise sanitaire actuelle a poussé les acteurs de la CSTI à modifier et adapter leurs pratiques. Si les différentes structures muséales ou de CSTI ont pris la mesure de l'intérêt du numérique, cet outil pose des questions sur son rôle comme vecteur de démocratisation. Des expériences de médiation se sont emparées d'autres média tels que la presse pour communiquer auprès du grand public... difficile toutefois en cette période de laisser une place à la science dans la presse locale qui ne soit pas en lien avec le coronavirus.
Nous entrons très certainement dans une ère de l'économie de l'attention où le monnayage du temps d'attention à distance est déjà en train de se mettre en place. A-t-il définitivement gagné la partie ? Pierre Ancet, enseignant- chercheur au laboratoire LIR3S de l'Université de Bourgogne |
La crise aura certainement un impact à long terme sur la perception du numérique par les musées. De plus en plus d'institutions sont maintenant conscientes de l'importance fondamentale du numérique pour accomplir leur mission. Alessandro Gaballo, coordinateur de communication à l'ICOM (International Council of Museums) |
En temps de crise, la médiation scientifique reste essentielle et doit se frayer une place parmi les théories du complot et autres idées farfelues Juliette Lazzarotto, professeure de SVT au collège de l'Arc à Dole, référente du programme Vigie-Ciel |
La médiation en temps de crise en Bourgogne-Franche-Comté : une enquête de l'OCIM soutenue par la Région Bourgogne-Franche-Comté
L'OCIM a mené une enquête sur la médiation durant la crise de juillet à octobre 2020 auprès des acteurs de la CSTI de Bourgogne-Franche-Comté. Celle-ci représente un état des lieux de la situation professionnelle des acteurs tant du point de vue des structures elles-mêmes que sur les pratiques professionnelles de médiation.
La demande hiérarchique au sein des musées et structures de culture scientifique a essentiellement portée sur la communication. C'est par l'intermédiaire des réseaux sociaux que le lien avec le public a principalement été maintenu. L'offre de médiation proposée fut très variée pendant cette période et on remarque un développement important d'actions ludiques telles que les jeux et les quizz.
Si le bilan global du vécu des professionnels est négatif et anxiogène, inhérent à une absence de lien avec les publics ou encore un manque d'horizon, des aspects positifs ont été remontés dans cette enquête comme l'ouverture sur les potentialités des outils virtuels et le développement de projets innovants.
Retrouvez la synthèse de l'étude en pièce jointe de cet article
ATELIER #1 Que dire de plus ? Quand les médias et autorités parlent de sciences, que raconte le médiateur ?
Intervenants : Avec Jérémy Querenet (Directeur du Service sciences, arts et culture de l’Université de Franche-Comté), Sylvie Morel (Directrice de Terre de Louis Pasteur), Marie Gallot (Responsable du service pédagogique de Terre de Louis Pasteur) et Robin Drieu (Chargé de médiation scientifique, Mission culture scientifique de l’Université de Bourgogne)
En temps de crise, sanitaire, environnementale…, les médiateurs scientifiques ne sont plus les seuls à parler de sciences. Quand les médias et les autorités s’emparent de problématiques scientifiques, quelle doit être la position du médiateur ? Doit-il transmettre les mêmes messages dans une forme différente ? Doit-il simplement faire preuve de plus de pédagogie ? Ou doit-il parler d’autre chose pour éviter la redondance et la concurrence ?
Que dire de plus ?
Dans un contexte où les médias ont énormément couvert la crise sanitaire de la Covid19, était-il encore nécessaire d’éclairer ce sujet dans les structures de médiation scientifique ?
Si oui, quels supports utiliser ? Où les diffuser quand les lieux de culture scientifique sont fermés ? Mais surtout faut-il se démarquer ? Faut-il faire preuve de plus de pédagogie que les médias ? Faut-il susciter le débat ? Ou éviter de le faire ? Voilà des questions que de nombreux professionnels se sont posés depuis le début de la crise sanitaire. Lors de cet atelier, en guise de réponse, différents exemples ont été évoqués : des articles façon « vrai, faux » pour répondre à des questions sur l’épidémie, des interviews de chercheurs qui éclairent de façon moins frontale la situation, une exposition sur le thème des épidémies, des dispositifs assumant de ne pas parler de ce sujet mais qui éclairent la démarche de recherche de façon générale….
Aborder un sujet sensible : l’exemple de la vaccination
Dans le flot de l’information en continu, les médiations autour de la vaccination se taillent la part du lion sur internet en se déclinant sous différentes facettes, du discours institutionnel de l’expert des agences sanitaires au contenu plus décontracté du blogueur science. La variété des solutions vaccinales potentielles et l’arrivée du vaccin à ARN messager imposent d’enrichir le contenu pédagogique de base par de nouvelles notions potentiellement sources de polémiques comme la génétique. La vaccination étant un sujet sensible, médiateurs et experts font preuve de beaucoup de prudence, donnent des informations précises, précisent les limites du champ du savoir en train de se construire et évoquent parfois les hypothèses qui restent à explorer. Le besoin d’une solution contre la covid n’a pas dépassionné le débat entre « anti » et « pro » vaccination. Pour garder le contact avec les indécis, de nombreux médiateurs explorent de nouveaux formats. Utilisant les ressorts du théâtre et de l’humour, ils cherchent à réduire la distance entre la recherche et le citoyen et tentent de susciter l’échange.
Malgré toute sa puissance, la vulgarisation scientifique digitale ne sonne pas le glas de la médiation face-public qui montre son efficacité dans cette période, particulièrement auprès des scolaires. Le contact humain en présence contribue non seulement à abaisser l’agressivité mais aussi à éviter le zapping et à donner le temps de la construction d’une opinion. En proposant des parcours qui associent les jeux, les discussions, les expériences et les rencontres, le médiateur fournit au public des outils qui lui permettent d’expérimenter par le jeu une épidémie, et de considérer les conséquences de ses choix en dehors de tout débat polémique.
Les outils à mobiliser
Il y a toujours une indispensable réflexion sur les outils les plus pertinents à mettre en place pour faire passer les messages des médiateurs. Mais il faut aussi des espaces et des temps de réflexions sur les pratiques, interroger le rôle et la place du médiateur. Ces questions s’imposent encore plus dans les périodes de crise.
Pour aller plus loin
Ces échanges pourraient être complétés par un débat concernant la responsabilité des chercheurs et des médecins, qui sur ces exemples (vaccination, crise COVID-19), sont souvent en première ligne sans médiateur.
ATELIER #2 Du présentiel au distanciel : préserver le lien social
Intervenants : Avec Lionel Maillot (Chargé de médiation scientifique à l’Université de Bourgogne), Elodie Méreau (Chargée de projets culturels au sein du service sciences, arts et culture de l’Université de Franche-Comté), Eric Chariot (Directeur du développement à la Société Astronomique de Bourgogne).
L’enjeu éducatif de transmission des savoirs est de façon implicite associé aux actions de culture scientifique. Toutefois, dès lors que ces situations sont étudiées, d’autres enjeux apparaissent comme tout aussi déterminants pour l’engagement des médiateurs et du public. Parmi eux : la sociabilité dans la rencontre. Comment ainsi préserver ce facteur avec de nouveaux formats réinventés qui passent en grande partie par le numérique lors de la crise que nous vivons ? Cela nécessite inévitablement une réflexion sur les ajustements, renoncements ou innovations permettant de maintenir le lien social à travers la vulgarisation.
En effet, si la médiation veut atteindre son but, c’est-à-dire créer des liens entre chercheurs et publics, il s’avère important de prévoir des temps et des espaces informels pour échanger avec les chercheurs intervenants dans les actions de CSTI, mais aussi entre personnes du « public ». C’est dans ce cadre que sont imaginés, lors d’événements tels que les Nuits Européennes des chercheurs, la présence de Food truck, d’espaces de convivialité, de bars ainsi que des moments de « pauses » entre activités.
La rencontre physique bien que propice aux enrichissements par l’intermédiaire des questions des uns et des autres se retrouve toutefois fortement impactée par des mesures barrières comme le port du masque en temps de crise. Comment ainsi interpréter et appréhender les réactions du public ou du médiateur ?
Le virtuel peut jouer ce rôle mais la matérialité du présentiel « hors crise » semble difficile à reproduire. Est-ce que les outils numériques actuels sont adaptés ou faut-il inventer de nouvelles formes de médiation ?
C’est une question primordiale dans la mesure où d’autres freins sont posés par le numérique : les propos lors des échanges sont généralement plus tranchés, plus extrêmes et la place des faits scientifiques est plus difficile. Les conférences en ligne ne touchent pas forcément les mêmes publics qu’en présentiel. Les publics éloignés ou non habitués aux outils proposés sont parfois exclus de ces échanges sans compter les problèmes de connexion, d’équipement informatique, le propre regard de soi face à la caméra, l’aspect intrusif…. Des solutions nouvelles existent pour continuer à toucher ces publics éloignés : des séances plutôt en soirée, des questionnaires post-conférences, des apéros en numérique…
Le monde de la médiation est en mutation et devra innover pour trouver des alternatives tout en essayant de préserver cette sociabilité.
Pour aller plus loin
Article de Lionel Maillot et Mélodie Faury dans la lettre de l’OCIM :
https://journals.openedition.org/ocim/2138
ATELIER #3 Médiation scientifique en temps de crise : bilan et comment mieux s’y préparer ?
Intervenants : Avec Coralie Biguzzi (Chargée de l’Experimentarium Bourgogne) et Magali Cabanas (Chargée de projets de médiation scientifique au sein du service sciences, arts et culture de l’Université de Franche-Comté)
L’ensemble des structures de culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) a dû s’adapter aux conditions de confinement et de distanciation physique, notamment à travers l’outil numérique. Ce mode d’action « virtuel » n’est toutefois pas le plus adéquat lorsque l’on cherche à développer la rencontre directe avec le public (voir atelier 2). Comment les médiateurs et les structures de culture scientifique ont-ils réagi ? Ont-ils eu recours à des tiers prestataires ? Comment se sont-ils formés ?
Les animatrices ont proposé aux participants de cet atelier, issus pour plus de 80% de métiers en contact direct avec le public, de répondre à un questionnaire afin de mieux appréhender leur gestion de la crise et les adaptations qu’ils ont pu mettre en place. Cette « enquête » en parallèle de celle menée par l’OCIM a permis de construire des échanges enrichis par les exemples des participants.
Des adaptations qui ont évoluées entre le premier et le deuxième confinement
Si certaines structures n’ont pu s’adapter ou mettre en place des actions « à distance » ni au 1er ni au 2ème confinement, un grand nombre d’entre elles a trouvé des actions adaptatives. Le premier confinement a vu émerger beaucoup de jeux en ligne ou de publications d’articles. Le deuxième confinement a lui vu apparaitre plus de vidéos en ligne et a permis des rencontres avec les scolaires hors les murs, dans le respect des gestes barrières, et a également permis l’itinérance d’expositions.
L’arrivée imprévisible du premier confinement a entrainé les médiateurs à s’autoformer et à s’appuyer sur les compétences internes de leurs structures pour s’adapter. Si cette dynamique a perduré durant le 2ème confinement, les structures ont beaucoup plus fait appel à des tiers prestataires.
Si le vécu du 2ème confinement semble bien meilleur que le 1er, en particulier grâce à une meilleure préparation, les difficultés persistent et l’objet du métier de médiateur est bousculé
Nombre d’acteurs estiment avoir anticipé le reconfinement, par exemple en produisant certains supports et en réfléchissant à certains formats de rencontres virtuels. La nécessité de se réinventer et de repenser les pratiques a pu ainsi être vécue pour certains comme stimulante.
Toutefois, les grosses comme les petites structures ont rencontré des difficultés dans la mise en place d’actions à distance, soit du fait d’une hiérarchie qui a pu ralentir les actions pour les premières soit par un manque d’outils à disposition, d’équipements et d’échange de bonnes pratiques entre les différents acteurs.
A celles-ci s’ajoute la remise en cause de l’essence même du métier de médiateur axé sur le contact avec les publics entrainant de fait une difficulté pour exercer ce métier sans ce lien médiateur/public.
LE LIEN, tel est le besoin principal des médiateurs et acteurs de CSTI : lien entre les structures de CSTI, lien entre les médiateurs par l’intermédiaire de temps d’échanges communs et de partage de bonnes pratiques, lien avec les structures locales et lien entre les actions menées avec peut-être une nécessité de mutualiser certains contenus pour ne pas perdre les publics dans cette surabondance d’informations.
Les outils à mobiliser
Puisse un forum comme celui-ci aider les acteurs à partager leurs pratiques et les aider dans leur recherche de lien. ECHOSCIENCES pourrait également jouer le rôle de plateforme facilitatrice d’échange entre les acteurs.
ATELIER #4 Connaître et faire connaître le patrimoine : une expérience de médiation partagée entre le service de l’Inventaire et le musée du Temps
Intervenants : Avec Nicolas Bousquet (chef du service développement culturel des musées du centre de Besançon), Jo-Ann Campion et Raphaël Favereaux (Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté) et Laurence Reibel (conservatrice du musée du Temps)
L’exposition « L’horlogerie dans ses murs, lieux horlogers à Besançon et dans le Haut-Doubs », a été organisée en 2019 par le Musée du Temps en partenariat avec le service Inventaire et Patrimoine de la Région. Cette exposition (qui a attiré 27 000 visiteurs durant 7 mois) constitue une forme originale de collaboration entre acteurs patrimoniaux du territoire, soucieux de diffuser la connaissance historique, scientifique et technique auprès du public.
Expérience de médiation partagée : concilier des manières différentes d’aborder un même sujet
L’exposition « l’horlogerie dans ses murs » a été l’occasion de mettre en avant les atouts et savoir-faire des deux partenaires impliqués : d’une part les connaissances (ressources documentaires et photographies) du service Inventaire et Patrimoine de la Région, et d’autre part les collections du Musée du Temps. L’un des challenges a été de transformer des textes scientifiques en une exposition destinée au grand public sans aboutir à une exposition « panneaux ». Cette expérience de médiation partagée a permis de proposer une exposition très riche qui a touché des publics très variés.
En temps de crise, l’inventivité est une nécessité !
L’exposition consacrée à l’horlogerie et la programmation qui l’entourait proposait, outre la visite de l’exposition elle-même, des visites de lieux horlogers, des spectacles, des animations ludiques, des ateliers pédagogiques, des conférences, des visites à destination des personnes éloignées ou empêchées (résidents Ehpad, jeunes migrants)… Si elle était intervenue en temps de crise, cette exposition aurait pu prendre des formes différentes : visites virtuelles, websérie sur Youtube, spectacles en live, ateliers participatifs, ateliers confinés à faire en famille…
Le numérique : un outil de médiation en temps de crise mais pas une fin en soi
Peu d’institutions avaient anticipé et développé des outils appropriés avant la crise sanitaire. Les nouvelles pratiques de médiation initiées pendant le confinement grâce aux supports numériques ont permis de toucher des publics plus larges, de « transgresser » avec les habitudes, d’autoriser les idées décalées… Mais ces outils ne peuvent pas remplacer la médiation en présentiel.
Les outils à mobiliser
La proposition du Ministère de la Culture à l’occasion de la nuit des musées qui consistait à présenter des collections dans des vidéos de 1 mn 30 diffusées en ligne semble intéressante. Le site Echosciences ne pourrait-il pas être le lieu où mettre en valeur les collections ?
Pour aller plus loin
Site de l’inventaire du patrimoine BFC : http://patrimoine.bourgognefranchecomte.fr/
Site du musée du temps : exposition « l’horlogerie dans ses murs » : https://www.mdt.besancon.fr/exposition-lhorlogerie-dans-ses-murs/
Site du musée du temps : les « bons à prendre » :
http://www.mdt.besancon.fr/accessibilite/bap-bon-a-prendre/