Mieux comprendre l'hydrogène, avec Marie-Cécile Péra

Publié par Le Pavillon Des Sciences - Agathe, le 20 septembre 2022   1.1k

Qu'est-ce que l'hydrogène ? Pourquoi représente-t-il un enjeu pour le futur ? Quel est l'état de la recherche ? ...

Marie-Cécile Péra, ambassadrice Fête de la Science pour la Bourgogne-Franche-Comté, a accepté de répondre à nos questions pour mieux comprendre ce vecteur d'énergie.

Quand avez-vous commencé à travailler sur l’Hydrogène, et comment avez-vous commencé à l’étudier ?

Je travaille sur l’hydrogène depuis 1999, au siècle dernier ! Ma formation de base et mon expérience concernait jusque-là l’électricité et ses usages. Je cherchais à l’époque un poste en Franche-Comté pour me rapprocher de mon mari qui avait trouvé un travail dans la région. Cette opportunité s’est présentée de démarrer cette activité à partir d’une feuille blanche à Belfort. Le défi était donc double : aborder une nouvelle thématique scientifique sans connaissance dans le domaine autres que ma culture scientifique, dans une équipe qui n’avait elle-même aucunes compétences sur le sujet. Avec une certaine dose d’inconscience, une très grande curiosité et beaucoup d’enthousiasme, je l’ai relevé et je ne le regrette pas.

Quel était l’état de la recherche au début de vos travaux ?

A l’époque, nous étions loin de la prise de conscience que nous vivons actuellement sur l’urgence du dérèglement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, même si à titre personnel, j’étais bien persuadée que l’électricité jouait un rôle clé dans le domaine de l’énergie. L’hydrogène était un sujet de prédilection pour mes collègues chimistes et spécialistes des matériaux et plus un terrain de jeu pour les scientifique qu’un enjeu en termes d’applications. La question de son utilisation à puissance élevée pour le transport ou l’alimentation en énergie des bâtiments restait assez confidentielle et était regardée au mieux comme un sympathique marché de niche à longue échéance. Notre approche du sujet en tant que spécialistes de l’électricité paraissait donc presque incongrue et il a fallu une certaine ténacité pour établir notre légitimité. La suite nous a donné raison dans la mesure où cette visée applicative a permis de progresser dans la discipline.

Comment peut-on produire de l’énergie avec de l’hydrogène ?

Cette question est cruciale et mérite d’être précisée. L’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un « vecteur » d’énergie. Cela signifie qu’on ne le trouve pas, ou très peu, à l’état naturel mais qu’en revanche, il peut être utilisé dans de nombreuses application. C’est également le cas de l’électricité avec laquelle il peut être couplé. En effet, on peut produire de l’hydrogène à partir de l’eau et d’électricité, c’est l’électrolyse de l’eau, et on peut produire de l’électricité à partir d’hydrogène et de l’oxygène de l’atmosphère, dans des piles à combustible qui ne rejette que de l’eau. L’hydrogène permet donc de stocker l’électricité produite par des sources renouvelables comme le soleil et le vent pour le réutiliser lorsqu’on en a besoin, indépendamment de la météo. Il permet aussi d’atteindre une autonomie très supérieure à celle des batteries, ce qui rend ces deux technologies plus complémentaires que concurrentes, selon les applications. On peut également utiliser l’hydrogène en le brûlant pour produire de la chaleur, comme on le fait avec du charbon ou du pétrole mais les rendements sont plus faibles et la combustion de l’hydrogène dans l’air produit des oxydes d’azote qui sont des polluants.

L’hydrogène est au cœur de l’actualité et est perçu comme un enjeu d’avenir. Qu’en est-il ?

L’hydrogène est en effet un enjeu d’avenir pour tenir nos objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Comme il ne s’agit pas d’une source d’énergie mais d’un vecteur d’énergie, il ne s’agit pas de remplacer les hydrocarbures par de l’hydrogène et de continuer comme avant. Il faut modifier en profondeur la production et l’utilisation de l’énergie en intensifiant l’électrification et en la couplant avec l’hydrogène. Et bien entendu, il faut également se montrer plus sobres dans notre consommation d’énergie.

Que cherche-t-on exactement quand on est chercheuse sur l’hydrogène ?

L’hydrogène et ses applications mettent en jeu des principes physiques et des disciplines scientifiques très divers : la chimie, les matériaux, la thermique, la mécanique des fluides, l’électricité, l’électronique et l’automatique. Faire de la recherche sur l’hydrogène, c’est continuer à progresser dans sa propre discipline et collaborer avec des chercheurs des autres disciplines. Dans mon cas, je travaille sur l’allongement de la durée de vie des systèmes hydrogènes et l’augmentation de leur rendement en optimisant leurs conditions de fonctionnement selon les usages. J’utilise pour cela des outils de modélisation (logiciels de calculs), les résultats de nombreuses campagnes d’essai et de l’intelligence artificielle.

Qu’est-ce qui vous le plaît plus dans vos activités ? L’enseignement, la recherche, les rencontres avec le réseau et les partenaires locaux ?

J’aime tous les aspects de mon travail. Je me passionne pour la recherche qui est une stimulation continuelle de la curiosité, puisque chaque élément de réponse amène dix autres questions. J’essaye de transmettre cette passion et cette curiosité à mes étudiants et quand j’y parviens, c’est une immense satisfaction. J’apprécie également de mener des recherches proches des applications ce qui me permet de valoriser les résultats concrètement et participer au développement économique de ma région. Je suis ainsi co-fondatrice d’une start-up, devenue maintenant une PME, la société H2SYS. Enfin, les collaborations internationales sont une formidable ouverture, des étudiants des 5 continents viennent au laboratoire et nous sommes en contact avec des chercheurs partout dans le monde.

La parole est à vous. Un mot de fin ?

Etre curieux, c’est être assuré de ne pas s’ennuyer un seul jour de sa vie et les sciences sont un carburant inépuisable de la curiosité. Même si comme Socrate, je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien, on peut quand même essayer d’en apprendre un peu, rien n’est plus passionnant.

Entretien recueilli par le Pavillon des Sciences.

👉 En savoir plus sur Marie-Cécile Péra, ambassadrice 2022


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