La transition, tout court

Publié par Journal en direct, le 27 août 2024   130

Transition énergétique, transi­tion écologique, transition économique…, toutes sont en réalité liées, englobées dans une seule et même problématique. Supprimer les adjectifs qui qualifient habituellement le mot transition, c’est prendre conscience de l’interdépendance de ses facteurs et de ses enjeux. La transition, tout court, c’est ainsi que la considère Cyril Masselot, enseignant-chercheur en information et communication (université de Franche-Comté / MSHE / laboratoire CIMEOS), à l’initiative de la création d’un observatoire visant à sonder les opinions et les comportements des habitants de la région à propos de ce vaste sujet.

Illustration Mollyroselee de Pixabay

Mis en place dès 2012, cet observatoire a concerné la Franche-Comté avant de s’étendre à l’ensemble de la grande Région cinq ans plus tard. Il fournit aujourd’hui ses résultats sur la base confortable de 1 200 enquêtes, avec l’ambition de les compléter par un suivi sur les prochaines années.

Les habitudes de consommation, du panier de courses aux vacances d’été en passant par la mobilité au quotidien, les intentions, les convictions, la prise d’initiatives concrètes…, c’est à une revue socio-économique d’ampleur régionale que les chercheurs et les partenaires impliqués dans l’observatoire se sont livrés, pour donner aux décideurs des éléments de connaissance utiles à leur mission d’accompagnement des citoyens vers une nécessaire évolution.

Plusieurs profils de comportement

Les enquêtes montrent que 42 % des ménages, soit 26 % d’actifs et 16 % de retraités, sont attentifs à la transition. Ils pratiquent des écogestes, au sens donné à ce mot par l’ADEME, et pour beaucoup sont susceptibles d’adopter un rôle d’ambassadeur dans le cercle familial ou sociétal.

Image de Ipopba – Adobe Stock

« On peut s’en réjouir, car cela concerne une grande partie de la population », souligne Cyril Masselot, qui pointe par ailleurs des résultats plus nuancés : « 17 % sont des familles éco-opportunistes aisées, péri-urbaines, comptant trois enfants et plus. Ces ménages sont des précurseurs, ils ont été les premiers à installer des panneaux photovoltaïques, une chaudière bois ou des récupérateurs d’eau, à acheter une voiture électrique. Mais ils ont aussi des téléviseurs dans toute la maison, un ordinateur pour chaque membre de la famille et prennent l’avion quatre fois par an pour des séjours à l’étranger. Ils ne cultivent pas de légumes dans leur jardin et ont peu de relations avec la nature. Leur intérêt apparaît avant tout d’ordre économique et leur démarche écoresponsable liée aux avantages financiers dont ils peuvent bénéficier. »

À ces deux profils s’ajoute celui des jeunes qui n’ont pas encore accès à l’autonomie, lycéens, apprentis vivant encore chez leurs parents, qui se disent concernés mais se sentent impuissants, parce que ce ne sont pas eux qui prennent les décisions. Ils représentent 7 % des répondants.

Plus nombreux puisqu’ils atteignent le chiffre de 12 %, les jeunes en situation de précarité entrent dans une quatrième et dernière catégorie, avec les adultes également en situation de précarité (13 %) ou considérés comme vulnérables économiquement (9 %) : c’est au total un tiers des répondants (34 %) dont la condition même n’aide pas à accéder à l’écoresponsabilité, voire à se sentir concernés.

Les éco-gestes, nuage de mots – Google Images

« Mettre en place des actions en faveur des personnes correspondant à ce profil, qui représente une grande proportion de la population régionale, est une priorité. C’est par exemple leur donner des informations sur les réseaux de proximité existants, qu’ils peuvent croire, à tort, financièrement inaccessibles. Valoriser les gestes des ménages déjà bien engagés dans la transi­tion et renforcer leur rôle d’ambassadeur sont des leviers qui nous semblent également importants. »

Sensibiliser, informer et convaincre, multiplier les actions concrètes de transformation du quotidien comme les marchés coopératifs ou les échanges de services, ce sont désormais les moteurs d’action que Cyril Masselot met en marche auprès des citoyens et des décideurs, sur la base des résultats de douze années d’observation à l’échelle régionale, une expérience jusque-là inédite en France.

Tous les résultats et informations sur https://mshe.univ-fcomte.fr/observatoire-de-la-transition-socio-ecologique-2021

Article paru dans le Journal en direct n°313.

Illustration du début : Rawpixel.com – Adobe Stock