La sixième extinction à l’aune de la paléontologie

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 22 novembre 2021   2.2k

Alors que les extinctions d’espèces s’accélèrent, confortant l’appellation de 6e extinction de masse, le paléontologue met en perspective ce phénomène à l’échelle du temps géologique.

Qu’apporte l’approche paléontologique sur le phénomène d’extinction actuel ?

Le registre fossile nous offre une vue sur plus de 3,8 milliards d’années d’évolution. Cela nous permet de suivre la diversité du vivant sur un axe de temps immensément long. Les archives paléontologiques nous donnent ainsi accès à des écosystèmes et des organismes ayant encore des représentants actuels dont on peut retracer l’histoire, mais aussi à des organismes originaux qui n’ont plus d’équivalents aujourd’hui, car ils ont disparu.

La paléontologie permet de constater de véritables extinctions de lignées et d’observer, avec le recul, les dynamiques et modalités de récupération de la biodiversité qui ont suivi ces grandes extinctions.

Y a-t-il bien eu 5 extinctions de masse avant celle que nous vivons actuellement ?

Oui, ces 5 grandes extinctions ont été reconnues dans les années 1980 et marquent des limites importantes dans le calendrier géologique, mais il ne faudrait pas croire qu’elles ont été les seules. De multiples autres épisodes d’extinction ont eu lieu, d’intensité légèrement moindre ou bien moindre. En réalité, le processus d’extinction est permanent et ponctué par des extinctions massives. Pour autant, il ne faut pas minimiser la gravité de l’extinction actuelle, exceptionnelle par sa rapidité et par son origine, puisqu’elle est causée non pas par des événements naturels, mais par l’Homme. Et comme nous modifions rapidement et en profondeur les écosystèmes, les suites de cette 6e extinction de masse sont imprévisibles.

Quels facteurs sont impliqués dans la sélection des espèces lors d’une extinction ?

Une extinction massive a lieu lorsque survient une modification profonde et soudaine de l’environnement (suite à une éruption volcanique, à la chute d’une météorite…) qui fait s’effondrer de nombreux écosystèmes. Les effets sur les espèces sont toujours très contrastés. Les facteurs responsables sont souvent nombreux et liés entre eux. De plus, en étudiant les fossiles, les paléontologues ont constaté que certaines espèces étaient plus fragiles que d’autres face aux extinctions en fonction de leur mobilité, de leur taille, ou de leur régime alimentaire. Leurs résultats s’accordent avec ceux des biologistes qui mènent des recherches sur les écosystèmes actuels. L’aire de répartition apparaît fondamentale : plus une espèce a une distribution limitée, plus elle risque de disparaître. Une grande taille corporelle est aussi source de fragilité, car elle demande davantage de ressources. Les spécialisations écologiques (nourriture, habitat…) peuvent également rendre une espèce plus vulnérable qu’une espèce généraliste.


Le mot de l'expert

Emmanuel FARA, Paléontologue, Directeur du laboratoire Biogéosciences, Université de Bourgogne Franche-Comté

Une extinction de masse est-elle nécessairement catastrophique ?

Oui, mais la paléontologie nous apprend qu’elle permet aussi la diversification de certains groupes d’organismes. On peut la comparer au fait de tailler un arbre fruitier. La coupe de certains rameaux permet à d’autres branches de l’arbre de se développer et de se ramifier. Ainsi, l’avènement de grands groupes tels que les mammifères ou les dinosaures a eu lieu après des extinctions. Cela a pu se produire parce que des niches écologiques autrefois occupées par d’autres groupes ont été laissées vacantes. Notre propre espèce, âgée de 300 000 ans, a désormais une responsabilité majeure pour le destin de la biodiversité.


Pour en savoir plus

Procurez-vous le n° 31 de la revue BFC NATURE. Vous y découvrirez un article d’Emmanuel FARA proposant un regard paléontologique sur la 6e extinction de masse. Et pour les plus jeunes, Nature Junior a consacré son dixième numéro à la 6e extinction.


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Crédit illustration ©Gilles Macagno