L’IVG à l’échelon le plus haut du droit français
Publié par Journal en direct, le 18 juin 2024 220
Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, a été marqué cette année par la promulgation du droit à l’avortement dans la Constitution française.
Que change cette décision, près de 50 ans après la loi Veil ?
Pour Henri Bouillon, qui a codirigé l’an dernier l'ouvrage Les grandes lois de la V e République, « d’un point de vue technique, inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution n’est pas d’un apport fondamental par rapport à la loi. Mais l’acte a une réelle portée symbolique, car la Constitution est le plus important des textes juridiques ».
Spécialiste de droit public à l’université de Franche-Comté, Henri Bouillon précise ainsi que « consacrer le droit à l’avortement dans la Constitution empêche qu’il puisse être remis en cause dans la loi ». La décision du gouvernement français intervient en réaction à celle de la Cour suprême des États-Unis : depuis le 24 juin 2022, le droit à l’IVG n’est en effet plus protégé au niveau national dans ce pays, il est désormais du ressort de chacun des États américains.
En France, la loi dépénalise deux types d’avortement : l’interruption volontaire de grossesse (IVG), objet de la révision de la Constitution de 2024, et l’interruption médicale de grossesse (IMG), à laquelle il n’est pas fait référence dans ce cadre. La loi Veil sur l’IVG a connu plusieurs amendements dont le dernier en date, en 2022, a fait passer le délai légal de recours à un avortement à 14 semaines de gestation. L’inscription de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » dans la Constitution se pose comme un véritable droit, quand à son entrée en vigueur en 1975, la loi envisageait l’avortement comme un dernier recours en cas de « détresse de la femme ». « Cette distinction d’ordre moral n’avait pas d’incidence d’un point de vue juridique, la dépénalisation de l’IVG était bien actée. »
La loi constitutionnelle ne remet pas en cause la clause de conscience autorisant les médecins ou les infirmières opposés à l’avortement à refuser de pratiquer cet acte. Le droit à l’IVG reste par ailleurs soumis à des conditions d’accès aux soins parfois difficiles, une problématique à part entière et hors du champ du droit.
Loi marquante de la V e République, l’IVG est aussi inscrite au sommaire de l’ouvrage codirigé par Henri Bouillon, aux côtés de la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école (2004), deux sujets qu’il a lui-même traités dans ce livre, ou celle sur la responsabilité pénale des entreprises (1992), qui fait l’objet d’un chapitre rédigé par sa collègue du CRJFC, Béatrice Lapérou-Scheneider.
Figurent également, et entre autres dans ses pages, les lois sur le mariage pour tous (2013), les renseignements et les services secrets (2015), la suppression du service militaire (1997), ou encore l’abolition de la peine de mort (1981), qui a elle aussi fait son entrée dans la Constitution, en 2007. Des sujets très variés pour un livre qui ne prétend pas à l’exhaustivité, mais dont l’ambition est d’opérer un retour sur la genèse de lois à l’impact juridique ou médiatique fort. « Il s’agit de cerner l’intention en se replongeant dans les textes d’époque, de confronter les ambitions énoncées dans les débats parlementaires avec la portée réelle des lois. » Une démarche originale, à visée des spécialistes comme du grand public.
Sous la direction de Henri Bouillon, Renaud Bueb et Béatrice Lapérou-Scheneider, Les grandes lois de la V e République est paru aux éditions Mare & Martin en 2023.
Photo début article : Ludovic Marin - AFP