L’eau potable, de l’aquifère au robinet : des instruments sismologiques pour mieux connaître les eaux souterraines
Publié par Journal en direct, le 21 juillet 2022 580
Les réservoirs d’eau souterrains du massif jurassien font encore preuve de mystères, que la sismologie, en lien avec l’hydrologie et la climatologie, peut aider à percer. Et mieux connaître l’eau, c’est aussi mieux la protéger et mieux la gérer (lire ici). Des enjeux dont la priorité est montée d’un cran avec le bouleversement climatique.
Les collaborations apparaissent depuis une dizaine d’années entre l’hydrogéologie, qui concerne les eaux souterraines, et la géophysique, qui comprend de nombreuses disciplines en sciences de la Terre. Enseignante-chercheuse à l’université de Franche-Comté / Chrono-environnement, c’est en sismologie que Julie Albaric apporte son expertise aux investigations menées au laboratoire sur les aquifères karstiques.
Un exemple de l’intérêt de mettre en lien les disciplines est l’impact du séisme de Roulans (2004) sur le réservoir du bassin versant de Fourbanne (25) : « Les chercheurs ont à l’époque observé une augmentation brutale de la conductivité électrique de l’eau souterraine. Le passage des ondes sismiques aurait provoqué l’expulsion d’eau très minéralisée piégée dans des fractures peu perméables, faisant augmenter la conductivité », explique la chercheuse.
De tels résultats mettent en évidence qu’une « lecture » des bruits sismiques, qui englobent tous les mouvements de la Terre, peut aider à comprendre ce qui se joue dans les aquifères karstiques. Équipé de longue date de sondes hydrogéologiques, le site de Fourbanne a été doté en 2018 de stations sismologiques placées en surface et, de façon plus rare, à vingt mètres de profondeur grâce à un conduit rocheux débouchant dans une rivière souterraine de quelque 8 km de long.
Les sismomètres enregistrent les ondes générées à l’intérieur du réservoir, parmi lesquelles se distinguent les fréquences propres à la circulation de l’eau. Dans un projet développé en collaboration avec les chercheurs de l’Institut Terre et environnement de Strasbourg, ces données ont fait l’objet d’un traitement par machine learning pour bâtir un modèle de prédiction permettant d’anticiper la variation du niveau des eaux souterraines et la survenue de crues.
Les recherches récentes ont démontré l’intérêt d’une lecture physique pour le monitoring des eaux souterraines. L’enregistrement des bruits sismiques ambiants peut également donner de précieuses indications sur les dynamiques des transferts d’eau, également mal connues dans des environnements karstiques difficiles d’accès tels que celui du Jura. Quels sont les chemins empruntés par l’eau ? Existe-t-il des zones de stockage encore non identifiées ?... Ce type de questions est au centre du projet SISMEAUCLIM engagé en 2020 pour trois ans sur un financement de la Région, en collaboration avec les chercheurs en climatologie du laboratoire Biogéosciences de Dijon. L’étude est instrumentée par une soixantaine de capteurs sismologiques de surface disséminés sur le bassin versant de Fourbanne, dont certains sont couplés avec des pluviomètres, et qui s’ajoutent aux dispositifs existants.
La mise en relation des données sismiques, climatiques et hydrogéologiques sur les quatre mois prévus pour l’expérience permettra d’apporter des connaissances inédites sur le fonctionnement du réservoir. L’un des axes de la recherche concerne la vitesse de propagation des ondes sismiques, dont les variations représentent un indicateur de première importance sur la présence ou non d’eau. L’objectif à terme est de réaliser une imagerie en 4D du bassin versant : « Il s’agit d’une représentation spatiale en 3D assortie d’une dimension temporelle, indiquant la pluviométrie et les variations de vitesse du bruit sismique à attribuer aux transferts d’eau », explique la chercheuse.