Quid de la ville de Besançon à l’avènement du christianisme ?

Publié par Journal en direct, le 7 juin 2023   690

Statue de Saint-Ferjeux, portail de l'église Notre-Dame de Besançon. Photo Laura Riefolo

Au IV e siècle, le christianisme devient la religion de l’empire romain. Sous le règne de l’empereur Constantin, l’édit de Milan promulgué en 313 accorde la liberté religieuse aux Chrétiens, après des siècles de persécution. À Besançon comme ailleurs, les premières églises à la gloire du dieu unique s’érigent dès cette époque, exerçant leur force d’attraction pour la construction de bâtiments et de quartiers entiers tout autour d’elles : c’est une rupture avec l’urbanisme antique. Comment la ville s’est-elle développée à partir des bouleversements apportés par la christianisation ? Quels sont les héritages de cette nouvelle organisation urbaine au cours du temps ? Ces questions concernent la période charnière, qui, du IV e au XI siècle, marque une longue transition entre l’Antiquité tardive et le Moyen Âge classique.

Si des documents historiques fournissent des éléments de connaissance sur ce passé, les traces archéologiques en sont quasi inexistantes. Une vue partielle, à laquelle le projet collectif de recherche Vesontio Christiana. Topographie chrétienne de Besançon du IV e au XI s­. entend donner une nouvelle dimension.

Évolution urbaine à long terme

Archéologue au laboratoire Chrono-environnement, Morana Čaušević-Bully copilote le projet à l’université de Franche-Comté, avec Marie-Laure Bassi à la direction du patrimoine historique de Besançon. « Travailler sur l’architecture et la topographie chrétiennes de Besançon aidera à retracer l’évolution urbaine de la cité sur cette longue période. »

Les églises Saint-Pierre, Saint-Étienne, Saint-Maurice, la Madeleine et Notre-Dame, la basilique Saint-Ferjeux et la cathédrale Saint-Jean sont les principaux édifices religieux dans la ligne de mire des chercheurs. Le croisement des sources historiques et la relecture critique de textes parfois millénaires apportent de nouveaux éclairages sur ce patrimoine, une recherche documentaire complétée par des sondages archéologiques et des prospections géophysiques sur site. « Située rue Mégevand, l’église Notre-Dame par exemple date du XVIII e siècle, mais on trouve des vestiges beaucoup plus anciens enfouis dans son ventre », raconte Morana Čaušević-Bully. Et à proximité, les archéologues découvrent avec étonnement les restes de murs d’un bâtiment monumental, qu’ils attestent de l’Antiquité tardive ; c’est le seul secteur bisontin où des constructions maçonnées datant de cette époque ont été mis au jour, avec celles de la rue Porteau.

Découverte à la cathédrale Saint-Jean

Autre surprise de taille à la cathédrale Saint-Jean, dont des sources écrites laissent supposer qu’elle était le siège d’un évêché dès le IV siècle, mais dont « on ne sait rien de l’architecture ou de l’aspect à cette époque ». À la lecture d’un rapport de fouilles menées square Castan sous l’actuel Hôtel de Région, rédigé en 1989, les chercheurs remarquent le signalement de vestiges monumentaux, une trouvaille cependant alors laissée sans suite ; en replaçant cette découverte dans un contexte historique et archéologique révélé dans le cadre du programme de recherche actuel, ils ont pu qualifier ses origines : celles d’un très grand bâtiment datant du IV siècle, construit selon la technique de l’opus africanum qui n’avait jusqu’alors dévoilé son alternance précise de murs et de piliers en pierre que sur quatre sites, à Luxeuil, Tournai, Augst et Genève.

« La mise en perspective de l’ensemble des résultats préliminaires nous permet de proposer aujourd’hui une première esquisse d’une nouvelle monumentalité de l’Antiquité tardive, à relier avec la mise en place d’un nouveau quartier de la ville, celui d’un groupe épiscopal avec sa cathédrale paléochrétienne. » Les cinq années de recherches produites par le PCR Vesontio Christiana autorisent une lecture renouvelée du patrimoine et de l’architecture de la période considérée. Les résultats seront dans les mois prochains mis à la disposition du grand public par le biais d’un atlas numérique consultable gratuitement sur le net, édité avec le soutien de la Région et de la DRAC. Un programme de fouilles est envisagé en relais du projet, il devrait concerner en priorité l’église Notre-Dame et la cathédrale Saint-Jean, qui ont fourni les découvertes les plus intéressantes.