Fenêtres grandes ouvertes sur le ciel
Publié par Journal en direct, le 12 septembre 2024 200
L’exploration du ciel connaît des progrès spectaculaires depuis que les sondes spatiales décuplent les capacités des télescopes terrestres, propulsant la connaissance de notre galaxie et de l’univers à des degrés prodigieux. Des équipes de recherche de l’Observatoire de Besançon / Institut UTINAM participent à cette aventure scientifique collective, en collaborant aux plus grands programmes initiés dans le domaine à l’échelle européenne ou mondiale.
Ainsi la découverte, dans notre galaxie, d’un trou noir de masse exceptionnelle a-t-elle été validée dans une publication scientifique cosignée par l’astronome Céline Reylé, l’astrophysicienne Annie Robin et l’ingénieur Gauthier Lecoutre en avril dernier. C’est l’une des avancées les plus récentes obtenues grâce au programme européen Gaia, auquel l’Observatoire de Besançon participe depuis les origines.
Le satellite Gaia a été lancé en 2013, avec l’étude de la Voie lactée pour objectif principal. Dans la constellation de l’Aigle, à environ 2 000 années-lumière1 de la Terre, le trou noir qu’il a décelé est nommé Gaia BH3 : c’est le troisième trou noir « dormant » découvert par le satellite européen. Un trou noir dormant présente la caractéristique soit d’être isolé, soit d’être éloigné de l’étoile avec laquelle il forme un système binaire. Il n’a donc pas de matière environnante à aspirer, matière qui produit habituellement des rayons X lorsqu’elle est arrachée à une étoile compagne : c’est cette absence de rayonnement qui le rend particulièrement difficile à détecter.
Au total, une vingtaine de trous noirs seulement, sur la centaine de millions estimée par les modèles théoriques, ont été observés jusqu’à ce jour dans la Voie lactée. Gaia BH3 est le plus gigantesque d’entre eux, avec une masse jugée presque 33 fois supérieure à celle du Soleil. « Les autres trous noirs d’origine stellaire connus dans notre galaxie sont typiquement inférieurs à 10 masses solaires. Gaia BH3 est le seul à avoir une masse comparable à celle des trous noirs détectés dans des galaxies lointaines par d’autres moyens, tels que les ondes gravitationnelles », précisent les chercheuses.
Les analyses spectroscopiques de l’étoile compagne de Gaia BH3 révèlent une composition presque dépourvue d’éléments chimiques plus lourds que l’hydrogène et l’hélium. Elles confirment l’hypothèse que ces trous noirs se seraient formés à partir de l’effondrement d’étoiles massives pauvres en éléments lourds.
« Cette découverte révolutionne notre compréhension de l’évolution des étoiles massives en trous noirs, et ouvre de nouvelles perspectives de recherche. »
1 Une année-lumière (AL), distance parcourue par la lumière dans le vide pendant une année, équivaut à 9 461 milliards de kilomètres.
Euclid, plus loin que la galaxie
Passant aisément les limites de notre galaxie, le satellite Euclid dégage de larges et profonds champs d’exploration vers le cosmos. Son lancement date de juillet 2023, et il est comme Gaia situé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, soit quatre fois plus loin que la Lune.
Sur un tiers du ciel, ce télescope exceptionnel capte la lumière émise par les objets célestes dans le spectre visible et le proche infrarouge, une catégorie d’ondes émise par des galaxies et quasars extrêmement lointains. Les toutes premières images qu’Euclid a transmises témoignent de sa capacité à fournir des clichés d’une résolution jamais atteinte et à cartographier le ciel de façon très détaillée, avec des exemples à donner le vertige. Cinq heures d’observation lui ont ainsi suffi pour détecter 100 000 galaxies et les fixer sur une même image ! Parmi elles, le millier de galaxies de l’Amas de Persée, à 240 millions d’années-lumière de la Terre, apparaît nettement en avant plan. Et à l’échelle d’une seule journée, le télescope spatial a révélé pas moins de 11 millions d’objets en lumière visible et 5 millions en infrarouge…
Euclid est capable de détecter les étoiles les plus légères, de la lumière d’étoiles arrachées à leurs galaxies parentes, des nuages de gaz ou des planètes errantes ; il offre la possibilité d’étudier des étoiles proches autant que des galaxies situées à des distances phénoménales. Des milliards d’entre elles devraient être répertoriées puis observées au terme de sa mission, prévue sur six années.
Le télescope donnera accès à de nouvelles connaissances sur l’origine, la structure et l’évolution de l’univers, et sur la nature toujours si mystérieuse de l’énergie noire et de la matière noire.
Programme de l’Agence spatiale européenne (ESA), Euclid concerne plus de 2 000 scientifiques issus de 300 structures de recherche en Europe, aux États-Unis, au Canada et au Japon, un consortium dont font partie les chercheuses de l’Observatoire de Besançon.
Article paru dans le Journal en direct n°314.
Photo début d'article : Le satellite Gaia avec pour objectif de l'étude de la Voie lactée. Photo ESA