Environnement urbain : Quel impact sur les fœtus ?
Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 6 mai 2021 1.9k
Bruit et pollution de l’air sont désormais connus pour leurs effets néfastes sur nos systèmes respiratoires et cardiovasculaires. La recherche commence aussi à dévoiler ceux sur les femmes enceintes.
Entretien avec le Dr AnneSophie Mariet, médecin de santé publique.
Pourquoi étudier les conséquences du bruit et de la pollution de l’air sur la grossesse ?
Les chercheurs ont déjà mis en évidence un lien entre bruit et pression artérielle. On sait aussi que le bruit provoque des troubles du sommeil qui engendrent du stress et donc de la tension. La pollution de l’air génère quant à elle des phénomènes d’inflammation et des troubles de la coagulation. L’observation de ces mécanismes a conduit à supposer que des impacts pourraient aussi exister sur la grossesse. Depuis 2012, le programme de recherche PreCEE* étudie les effets de la pollution de l’air et du bruit sur la grossesse en milieu urbain. Outre les CHU de Besançon et Dijon, leurs maternités et le réseau périnatal de Bourgogne, il réunit de nombreux partenaires comme ATMO-BFC*, le Centre scientifique et technique du bâtiment, les laboratoires Chrono-environnement et ThéMA, les agglomérations de Dijon et de Besançon.
Quel était l’objet de votre thèse ?
Incluse dans le programme PreCEE*, elle a consisté à mener une étude rétrospective sur les accouchements survenus de 2005 à 2009 aux CHU de Dijon et Besançon de femmes résidant dans l’unité urbaine de Dijon et à Besançon. Pour estimer à quel niveau de bruit avait été exposées les femmes, une modélisation a été développée à partir des sources principales de bruit environnemental : circulation routière, ferroviaire, rues piétonnes et fontaines à vasque. Une modélisation semblable a concerné la pollution de l’air, basée notamment sur le trafic routier et le chauffage, avec deux indicateurs pris en compte : le dioxyde d’azote (NO2) et les particules inférieures à 10 micromètres (PM10). Pour chaque période de la grossesse, les expositions au bruit et à la pollution de l’air ont été reconstituées. Les informations sur les pathologies rencontrées lors de ces grossesses, ainsi que la date du terme et de l’accouchement ont été recueillies pour analyser le lien entre ces facteurs environnementaux et la survenue de complications.
Quels sont les résultats ?
L’étude n’est pas terminée, mais il semblerait que les femmes ayant des vulnérabilités soient plus sensibles aux facteurs environnementaux. Une femme présentant une vulnérabilité (hypertension, diabète, obésité, exposition au bruit, à la pollution de l’air…) avait par exemple 40 % de risque supplémentaire de connaître une complication par rapport à une femme qui ne présentait aucune vulnérabilité. Ce risque était multiplié par 3 lorsqu’elle cumulait 4 vulnérabilités. Chez les femmes présentant une grossesse à risque, par exemple attendant des jumeaux, le risque de retard de croissance intra-utérin augmentait de 50 % lorsque la concentration moyenne en NO2 augmentait de 10 µg/m3 sur la durée de la grossesse.
Le mot de l'experte
Dr Anne-Sophie MARIET, Médecin de santé publique au CHU* Dijon-Bourgogne et à l’Unité de formation et de recherche des sciences de santé de Dijon
Quelles sont les autres pistes de recherche ?
Des études sur les troubles de la croissance fœtale chez les grossesses uniques et sur les troubles hypertensifs de la grossesse sont en cours. De nouvelles études pourraient s’intéresser à l’intérieur du domicile, mais aussi à d’autres polluants, comme les particules inférieures à 2,5 micromètres (PM2.5) ou les composés organiques volatils. Bien que les publications scientifiques internationales se multiplient sur ces thématiques, il reste beaucoup à découvrir. Ces données pourront permettre d’adapter le suivi des femmes vulnérables pour éviter la survenue de complications et d’engager des actions pour diminuer les sources de pollution dans les zones les plus touchées.
Pour en savoir plus...
Visitez le site du Centre d’information sur le bruit : www.bruit.fr et le site d’ATMO Bourgogne-Franche-Comté www.atmo-bfc.org. Téléchargez un article sur la prématurité et le phénomène de multi-exposition sur : hal-anses.archives-ouvertes.fr.
Mini-glossaire
ATMO-BFC : association régionale agréée de surveillance de la qualité de l’air.
CHU : Centre Hospitalier Universitaire.
PreCEE : Pregnancy and Combined Environmental Exposure (Grossesse et multi-exposition environnementale). Promu par le CHU de Besançon, le programme est financé par l’Agence de la transition écologique, la Région Bourgogne-Franche-Comté, le CHU Dijon-Bourgogne et la Fondation de France.
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