Droit de l'environnement, chantier en cours !

Publié par Bourgogne-Franche-Comté Nature, le 31 mars 2022   1k

Matière peu connue des citoyens, le droit est pourtant un levier indispensable dans la protection de l’environnement.

Existe-t-il une dynamique législative en faveur de la protection de la biodiversité en France ?

Depuis la 1ère grande loi de protection de la nature du 10 juillet 1976, les évolutions législatives en faveur de la nature ont été régulières. Elles ont pu être sectorielles, l’ensemble des branches du droit intégrant progressivement la thématique, ou plus générales. La Charte de l’environnement de 2005 a en ce sens constitué une consécration du droit à l’environnement, devenu liberté fondamentale. Le 12 juillet 2010, une nouvelle loi d’ampleur a été promulguée suite au Grenelle de l’environnement, suivie en août 2016 par la loi pour la reconquête de la biodiversité. Cette multiplication de textes législatifs contraignants traduit une prise de conscience de l’opinion publique et des représentants de la Nation. Ont aussi émergé des documents de droit souple, sans caractère contraignant, visant à fixer une trajectoire nationale. Bien souvent, ils sont le résultat d’engagements internationaux, comme c’est le cas pour la Stratégie nationale pour les aires protégées.

Pourquoi la formulation des textes est-elle problématique ?

Le droit de l’environnement peut être considéré comme complet et bien écrit. Il véhicule cependant une vision très centrée sur l’Homme. 

Or pour marquer la solidarité juridique entre les entités vivantes de notre planète, il nous faut développer un droit « écocentré » avec un vocabulaire et un mode de pensée adaptés. Des avancées vont dans ce sens. Avant 2016, on parlait par exemple d’espèce « nuisible », alors qu’aucune espèce n’est par essence préjudiciable. Aujourd’hui, on emploie l’expression quelque peu plus adaptée d’espèce « susceptible d’occasionner des dégâts ». Les reformulations sont un début. Il faut ensuite s’assurer que les pratiques administratives évoluent, ce qui demande un temps d’adaptation. Les juges doivent aussi prendre toute la mesure de la portée de ces nouveaux termes.

Comment intégrer la protection de la nature ordinaire ?

Il faut nous séparer de logiques ancrées dans notre ordre juridique, comme celle du remarquable. Jusqu’alors, la protection de la nature était dédiée à ce qui était rare, menacé ou beau. Pourtant, ce qui relève de la nature ordinaire mérite aussi notre attention pour enrayer la perte de diversité biologique. Il serait notamment intéressant de modifier le régime juridique des listes de protection d’espèces. Pour le moment, seules sont adoptées des « listes positives » d’espèces menacées permettant de faire échec aux projets qui leur porteraient atteinte. En complétant le mécanisme avec des « listes négatives » qui répertorieraient les espèces en bon état de conservation ne nécessitant pas de protection particulière – ce qui devient rare – on préserverait davantage d’espèces. Tous les projets susceptibles de porter atteinte aux espèces qui ne sont pas dans la liste négative seraient alors, eux aussi, interdits.


Le mot de l'experte

Aline TREILLARD, Docteur en droit public, spécialisée en droit de l’environnement. Ses recherches portent essentiellement sur le droit de la conservation de la nature.

Quelles prochaines étapes espérer pour le droit de l’environnement ?

Le droit n’anticipe pas sur les attentes de la société, il en est le reflet, d’où l’importance d’une prise de conscience individuelle et collective. La Convention citoyenne pour le climat a démontré qu’en présence d’une information complète, un débat serein peut conduire à une évolution du droit. Elle a par exemple plébiscité l’interdiction de la publicité pour les produits polluants. Ces changements ne doivent pas être perçus comme des contraintes, mais des progrès à choisir de manière concertée et démocratique. La législation doit prioritairement devenir plus contraignante sur les pollutions lumineuse, sonore, plastique, sur l’artificialisation des sols, sur les émissions de CO2... La formation de tous, acteurs privés et administrations compris, est pour cela incontournable.


Pour en savoir plus

Avec un article paru dans le n° 31 de la revue Bourgogne-Franche-Comté Nature, retrouvez plus d’éléments sur l’appréhension juridique de la nature ordinaire et les défis du droit de l’environnement.


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Crédit illustration © Daniel ALEXANDRE