Chercheurs engagés dans le Plan quantique français

Publié par Journal en direct, le 7 juillet 2022   880

Mettre en lien les forces régionales issues de la recherche académique et de l’industrie pour développer les technologies quantiques, tel est l’objectif affiché du Plan quantique lancé en France en 2021. Un plan dans lequel s’inscrivent des chercheurs de plusieurs laboratoires de la région, organisés en réseau.

Lancé en janvier 2021 par le gouvernement, doté d’un budget de 1­,­8 milliard d’euros, le Plan quantique veut structurer la recherche et les ressources industrielles pour assurer la montée en puissance des technologies quantiques en France. Sur la région, six laboratoires­­1 sont impliqués dans ce dispositif : en Bourgogne - Franche-Comté le LmB, l’Institut UTINAM, l’Institut FEMTO-ST, l’IMB et l’ICB, auxquels s’ajoute le laboratoire L2n à Troyes.

Les technologies quantiques ne concernent encore qu’une communauté scientifique restreinte en France. En région, les investigations sont menées par de petites équipes, mais les activités déployées couvrent tout le spectre du domaine quantique, de la résolution fondamentale d’équations mathématiques au développement de dispositifs industriels. Cette configuration fait du réseau régional un acteur de premier ordre sur le territoire national. « Le plan vise le rapprochement des disciplines, en premier lieu les mathématiques, la physique théorique, la physique expérimentale et l’informatique.

Renforcer les collaborations entre la sphère académique et l’industrie figure aussi au nombre de ses objectifs. L’organisation des forces de recherche permettra d’atteindre de meilleurs résultats pour gagner en développement technologique », expliquent David Viennot et José Lages, tous deux enseignants-chercheurs en physique théorique à l’université de Franche-Comté / Institut UTINAM. Piloté par le CNRS, le Plan quantique prévoit notamment le recrutement de doctorants pour renforcer les équipes de recherche ; une formation accrue des étudiants de master est aussi inscrite à sa feuille de route.

Composer avec le bruit quantique

La recherche fondamentale en physique est le versant exploré à UTINAM. L’un des défis actuels, qui figure aux objectifs du plan, concerne la mise au point de « technologies de taille intermédiaire bruitées ». Tout système physique est soumis à des perturbations, thermiques ou vibratoires par exemple, des « bruits » qui ont la force d’ouragans à l’échelle de l’atome. On peut chercher à réduire ces bruits et par là même leur impact sur le fonctionnement d’un système. On peut aussi essayer de faire avec, ce qui implique de développer des systèmes moins puissants, de taille intermédiaire donc, mais plus faciles à mettre en œuvre. « Il s’agit pour nous de trouver les équations mathématiques qui permettront de décrire le bruit, de mesurer ses impacts, puis de donner les moyens de le contourner. »

Le bruit provoque de la décohérence, un phénomène qui anéantit les propriétés quantiques d’un système. L’équipe travaille à limiter ce processus, en s’appuyant sur la modélisation de procédés optiques. Une des recherches concerne le piégeage optique d’ions « froids », qui sont de bons candidats pour la mise au point d’un ordinateur quantique. « Lorsqu’ils sont soumis au faisceau d’un laser, les ions interagissent entre eux. Cette interaction confère aux ions les propriétés voulues pour le traitement et le stockage de l’information quantique. En protégeant les ions de la décohérence grâce au piégeage optique, il est théoriquement possible d’intriquer une centaine de qubits, résultat qui dépasserait de loin ceux obtenus avec d’autres technologies. »

L’ordinateur quantique est à la portée des scientifiques. Plus puissant et plus rapide que l’ordinateur classique, il développera des capacités de mémoire supérieures et offrira des possibilités de résolution différentes. L’ordinateur quantique intéressera tous les systèmes de télécommunication pour lesquels une sécurité d’information absolue est requise. Il permettra également de démêler des situations complexes, insolubles pour un ordinateur classique, et ainsi de répondre aux besoins d’optimisation qui ont cours dans les domaines de la finance ou de l’ingénierie. « L’exemple type d’une situation complexe en informatique est celui du voyageur de commerce.

Le problème est de déterminer le chemin le plus court pour que ce commercial visite toutes les villes de son secteur, une seule fois, avant de revenir à son point de départ. » Aucun algorithme ne sait résoudre ce casse-tête, plus compliqué qu’il n’y paraît dès lors que le nombre de villes à visiter est important. Le problème du voyageur de commerce est typiquement de l’ordre de ceux que pourra résoudre l’ordinateur quantique. Un ordinateur quantique qui, s’il est pour demain, ne remplacera pas l’ordinateur classique sur les bureaux à la maison ou dans les entreprises. Le processeur requiert en effet une puissance de calcul telle qu’elle ne pourra être assurée que dans les centres de calculs, qui, eux, les mettront à disposition pour qu’ils puissent répondre aux demandes de chacun.

1 Les membres du réseau sont le Laboratoire de mathématiques de Besançon (LmB), l’Institut UTINAM, l’Institut FEMTO-ST, l’Institut de mathématiques de Bourgogne (IMB), le Laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne (ICB), et le Laboratoire Lumière, nanomatériaux, nanotechnologies (L2n) de l’université de technologie de Troyes (UTT). Ce réseau coordonné par Dominique Sugny, professeur de physique théorique à l’ICB, s’inscrit dans le Plan quantique en prolongement du projet I-QUINS, aujourd’hui terminé.

Article paru dans en direct, n°301, juillet-août 2022

Contact :

Institut UTINAM
Université de Franche-Comté CNRS
David Viennot José Lages
Tél. + 33 (0)3 81 66 69 16 / 69 03